Justice pénale traditionnelle et droits de l’homme

Une affaire tranchée par la Cour constitutionnelle béninoise le 19 Février 20021 offre l’occasion de s’interroger sur la conformité de la justice pénale traditionnelle aux droits de l’homme tels qu’ils sont prévus par la Constitution et les conventions et autres normes ou déclarations internationales. Les faits de l’espèce sont les suivants :

Le 08 Décembre 1998, Monsieur Boris Gbagudi saisit la Cour constitutionnelle pour porter plainte contre le pouvoir royal de Dassa Zoumè pour « sévices corporels et violation de la personne humaine ».2 Le requérant expose ceci : « Pour un crime ou un délit commis, c’est le roi et sa cour qui décident du sort du coupable. En exemple, à Dassa - Zoumè, lorsqu’un citoyen vole quelque chose, le fameux roi, Egbakotan II, donne des instructions à ses associés afin qu’on lui mette la main dessus. Ensuite, il est conduit au palais royal et là, il subit de véritables et humiliants sévices corporels qui lui sont honteusement administrés, et ce pour la plupart du temps par des bandits, les délinquants, les va-nu-pieds de Dassa - Zoumè ». Le requérant poursuit : « la même situation se produit également lorsqu’un citoyen est coupable de viol, d’inceste ou nie la paternité d’une grossesse qui, apparemment, lui appartient. Pendant ce temps, poursuit encore le requérant, il existe bel et bien une Brigade de Gendarmerie à Dassa - Zoumè (de même que) le Tribunal de Première Instance d’Abomey. Malgré tout cela, c’est le « roi qui décide arbitrairement du traitement infamant à infliger aux mis en cause ».

Saisie de cette requête et respectant la règle du contradictoire, la Cour constitutionnelle a diligenté des mesures d’instruction en direction du « roi des Dassa ». Ce dernier a répondu qu’effectivement, tout individu auteur sur le sol de Dassa -Zoumè de l’un des actes interdits par la tradition et les coutumes Idaasha et « dévoilé ou identifié par tous les moyens appropriés, est conduit au palais royal ». Il est aussitôt attaché par les cordes avant de subir un châtiment corporel consistant à le faire frapper de coups de chicottes car, ajoute le roi, « la commission demeurée impunie desdits actes entraîne toujours des conséquences malheureuses et regrettables » telles que « maladie incurable, mort, folie, disparition définitive ». Sur cette base, le Roi conclut que « Evolué fictif, l’auteur du recours. [Monsieur Boris Gbaguidi] peut être porté à prendre pour violation des droits de l’homme les sévices corporels dont il s’agit » or tous ces agissements se fondent, selon le roi, sur le pouvoir religieux qu’il tient de la tradition oro chiche. Face à ces faits signalés par le requérant et confirmés par le « roi » de Dassa, la Cour constitutionnelle s’est prononcée sur plusieurs points qu’il convient d’exposer en appréciant leur pertinence.

Dans un Etat de droit, la justice pénale est rendue au nom de l’Etat. La justice civile au sens large (rapports familiaux, problèmes fonciers ou domaniaux, rapports commerciaux et de travail) peut être « privatisée ». L’arbitrage commercial en témoigne de même que la justice civile proprement dite (affaires familiales et domaniales) .Cette privatisation (intervention de normes et/ou de personnes ne provenant pas de l’Etat) peut prendre aussi bien la forme des normes applicables que celles des juridictions compétentes. C’est autour de ces deux points qu’il importera de faire quelques réflexions à partir de la décision rendue par le juge constitutionnel béninois.

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