Repenser la gouvernance au Mali

Actes du Forum multi-acteurs sur la gouvernance (Tome2)

De son accession à l’indépendance, en 1960, à nos jours, le Mali, a connu trois (3) républiques, trois (3) coups d’Etat militaire, suivis de trois (3) périodes d’exception et de quatre (4) rebellions armées dans sa partie nord. Lorsque survient la quatrième rébellion, démarrée le 17 janvier 2012, l’Etat paraît désemparé et impuissant. Le pays découvre brutalement qu’il est dépourvu d’institutions capables de prévoir et de réagir à de telles crises majeures, en dépit de tous les instruments de gestion disponibles et des modalités de régulation prévues dans la Constitution. Cette crise a aussi, surtout, révélé que le pays est dépourvu de forces armées et de sécurité républicaines, capables de faire face aux exigences de défense des frontières et de sécurisation des personnes et de leurs biens à l’intérieur ; plus grave, elle aura jeté le doute sur la capacité des forces armées et de sécurité à enrayer la menace de partition du territoire national.

Les maliennes et les maliens, brutalement sortis du rêve d’une démocratie de référence et d’un pays exemplaire de stabilité en Afrique, devraient alors faire face à une réalité cauchemardesque :

En somme, toute une réalité politique et institutionnelle qui est très loin des attentes d’une grande nation, fière de son histoire plusieurs fois centenaires et de son héritage socioculturel.

Les fondements complexes d’une crise de l’Etat et de la société

En 1963, le pays a été confronté à une rébellion touareg dans la région de Kidal. En 1990, les problèmes identitaires ont gagné les autres régions du Nord, Tombouctou et Gao. La première rébellion de 1963-1964 a été matée par les armes. En revanche, celles de 1990 et 2006 ont été conclues par la négociation et la signature d’accords (Pacte National en 1992 et Accord d’Alger en 2006). Ces deux accords sont fondés sur une résolution de la crise basée sur l’intégration des ex-rebelles dans l’appareil gouvernemental et la démilitarisation substantielle des régions du Nord, notamment celle de Kidal. L’accalmie constatée, après une gestion militaire, a été plus longue (26 ans) que celle obtenue par le dialogue politique (12 ans) sans que pour autant l’on puisse considérer que la résolution des conflits par les armes soit la meilleure puisque la plupart des conflits finissent par se résoudre autour d’une table de négociation.

La vérité est que ces deux approches ont eu des répercussions importantes sur la vie de la nation malienne. S’agissant de l’approche politique, l’intégration des ex-rebelles dans les forces de défense et de sécurité ainsi que dans les services publics à des niveaux hiérarchiques souvent inadéquats a créé des malaises, des frustrations et même une chute de motivation au sein de la fonction publique civile et militaire. Quant au retrait « substantiel » des forces armées et de sécurité des régions du Nord, il a facilité l’installation - dans ces zones - de terroristes et de trafiquants en tout genre, notamment de drogue, d’armes et d’êtres humains à travers la migration clandestine vers le Maghreb et l’Occident. C’est là qu’Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) a pris ses quartiers pour organiser son réseau d’approvisionnement en armes et en vivres et être toléré voire adopté par les populations locales. C’est de là qu’est partie la troisième rébellion touareg lancée le 17 janvier 2012 par le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) rejoint, en avril, par le Mouvement islamiste Ançar Eddine et le Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO).

Surprises autant par le matraquage médiatique sur la quantité et la qualité des armes sorties des arsenaux de la Libye, après la chute du Colonel Kadhafi, que par le niveau de violence des envahisseurs, illustré par les massacres d’Aguelhok, et surtout par la faillite de la chaîne de commandement à Bamako, les forces armées et de sécurité du Mali ont dû se résoudre à un « repli stratégique » qui a fait perdre au pays, momentanément, les 2/3 du territoire national.

Cette situation, ajoutée au coup d’État intervenu le 22 mars 2012 à Bamako, a créé un grand désarroi au sein de toute la nation malienne. S’agissant de ce coup de force, il faut en chercher les raisons profondes beaucoup plus loin.

En effet, depuis les évènements de mars 1991 qui ont consacré l’avènement de la démocratie au Mali, ni la Constitution de 1992, ni la grande ouverture politique ni les multiples programmes de réformes économiques n’ont permis de combler les attentes des populations. Au fil des ans, la démocratie tant attendue est devenue une « démocratie de façade ». Plus de 120 partis politiques ont vu le jour mais rares sont ceux qui sont véritablement représentatifs et qui jouent leur fonction d’animation et de formation de leurs membres. La presque totalité de ces partis ne se soucient que du bien-être matériel et financier de leurs dirigeants à travers les subsides gracieusement distribués par le pouvoir. En outre, l’administration publique comme le reste de la société a été gangrenée par la corruption à large échelle. Le népotisme et le clientélisme sont devenus les clefs de la réussite jusqu’au plus haut sommet de l’État.

Le calme apparent de ces dernières années cachait en réalité une aggravation de la situation avec le mode de gestion politique adopté par le Chef de l’État : « le consensus ». Sous ce vocable, la corruption a atteint des proportions effrayantes et n’a épargné aucun segment de la société. Les acteurs politiques y ont perdu toute référence éthique et morale, le formel est devenu informel et les institutions républicaines ont été « dés-institutionnalisées », décrédibilisées, délégitimées, dépourvues de leur autonomie et de leur indépendance. Au moment où le coup d’État du 22 mars 2012 intervient, l’Etat n’existe pratiquement plus, notamment dans le Nord du pays.

Désormais il ne faut plus seulement renforcer mais repenser la gouvernance démocratique au Mali. Le Mali fait ainsi face à une crise profonde qui met en évidence le décalage persistant entre l’Etat (ses institutions, son administration, leurs « façons de faire ») et les attentes et aspirations d’une majorité de la population.

Au-delà des analyses faciles et rapides consistant en la diabolisation d’une couche sociale particulière ou en l’accusation d’un quelconque ennemi extérieur, il faudrait certainement faire le constat de l’échec de la construction de l’Etat-nation, de l’Etat de droit, de la démocratie et de l’économie, en tant que piliers sur lesquels s’érige et se fortifie un « commun vouloir vivre ensemble », une nation.

Depuis 50 ans, des choix politico-institutionnels, qui mettent aujourd’hui la nation en danger, entravent l’évolution du pays et empêchent le bien être des populations.

Ces choix sont entre autres :

Seule une analyse objective et globale de la crise permettra de faire émerger des réponses pertinentes et durables.

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Legitimate governance
Re-founding the living together and the State
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