Quand la tutelle annihile les décisions légitimes des structures décentralisées

Les intérêts d’un immigrant perçu comme colon imposés au détriment de la volonté du conseil rural

Après l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale, la dégradation des ressources naturelles, conséquence d’une économie de traite supplée par une économie extravertie, a constitué un handicap majeur pour le développement économique et social du pays. La baisse des revenus entraînant de plus en plus les populations, voire l’Etat, à exploiter davantage les ressources forestières (faune et flore).

Mais, une législation inappropriée, notamment la loi 65-23 du 9 février 1965 et la loi 67 – 28 du 23 mai 1967, ne permet pas une implication suffisante des populations locales dans la protection et la restauration de ces ressources naturelles ; aucun droit n’étant réellement reconnu aux ruraux dont les activités quotidiennes reposent sur la terre.

Conscient de la gravité de la dégradation continuelle du patrimoine forestier et faunistique, le Conseil Rural de Kayemor, en collaboration avec les acteurs à la base et les partenaires au développement a entrepris des actions de lutte contre les diverses formes d’agression subies depuis plus de 40 ans à savoir l’exploitation anarchique et parfois frauduleuse, les feux de brousse non maîtrisés, la sécheresse, la chasse sportive qui ne laisse aucune chance au développement de la faune, et enfin une législation inadaptée à la réalité actuelle.

C’est pourquoi, la communauté rurale de Kayemor appuyée par le Programme de Gestion Communautaire des Ressources Naturelles (PGCRN) et le Programme de Renforcement Institutionnel de la communauté rurale de Kayemor (RICOR) ont revisité le code forestier et le code de la chasse dont la base est la même en élaborant un code de conduite sur la gestion des ressources naturelles, débouchant sur une série de programme et de projet de conservation et de restauration du patrimoine forestier et faunistique sous la houlette du « Penc » et des « Keppaars » (Cadre d’alliance et de concertation).

Mais, malgré les résultats qui font de Kayemor une communauté rurale phare, les difficultés persistent toujours dans la gestion en matière des compétences transférées aux régions. Et ce qui justement crée la limitation des pouvoirs des conseillers ruraux que nous sommes. En effet, le pouvoir détenu par la tutelle (Exécutif ou conseil régional) peut annihiler toute velléité du Conseil Rural qui n’a qu’un pouvoir consultatif c’est-à-dire un simple avis dans le domaine forestier.

Pour preuve, le Conseil Rural de Kayemor a rejeté, avec avis non favorable, une demande d’installation d’un campement de chasse et d’une zone d’amodiation de 18 000 hectares introduite par un français du nom de R.. Et ce, depuis le mois de février 2008. Mais, contre toute attente, 4 mois plus tard, cette même demande a pris une voie de contournement pour réapparaître dans les locaux du Conseil Régional qui a fini par donner un avis favorable. Au mépris de toute considération des préoccupations légitimement fondées des populations de la communauté rurale de Kayemor !

Ainsi, le patrimoine de plusieurs générations futures se trouve sacrifié au profit d’une nébuleuse. Or, le gibier constitue une richesse sacrée et un legs traditionnel dans la vie des peuples en Afrique.

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Ce qui précède montre à suffisance les contradictions de la loi relative aux soit disant compétences transférées aux communautés rurales. C’est pourquoi, il est urgent d’introduire des projets de modification de la loi en la matière en restituant aux acteurs à la base les pouvoirs harmonieux que leur conférait leur passé ancien ou récent. Le cas décrié par le Conseil rural peut constituer un précédent dangereux, d’autant plus qu’il s’y greffe un problème pouvant opposer un étranger, de surcroît originaire de l’ancienne patrie colonisatrice à des populations jalouses de leur passé anticolonial et de résistance.

Autant les élus locaux doivent être l’émanation des populations, autant leurs préoccupations et leurs décisions doivent faire force de loi.

Notes

Conseil Rural : organe délibérant de la communauté rurale composé de 32 conseillers, élus lors d’élections locales

Penc : cadre communautaire de concertation, bras technique du Conseil dont l’objectif principal est de promouvoir la concertation entre les différents acteurs au développement de la communauté rurale. Le Penc est composé des délégués des Keppaars, des Présidents de commission du Conseil Rural et des représentants des organisations faitières.

Keppaars : cadre villageois de concertation qui regroupe les représentants des organisations socio-professionnelles de producteurs et d’entrepreneurs ruraux, les porteurs d’enjeux traditionnels ou modernes, les conseillers résidents, les ressortissants et le chef de village qui est membre de droit et chargé de modérer les débats.

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