Par
Alliance pour Refonder la Gouvernance en Afrique
Mai 2006
La culture républicaine s’attache à la conscience que les acteurs institutionnels, les individus et les communautés ont de leurs de droits et de leurs obligations vis-à-vis de la collectivité et la volonté qu’ils manifestent de traduire effectivement cette conscience dans tous leurs actes publics. Le premier niveau de fondation d’un Etat de droit s’inscrit dans une œuvre de longue haleine qui s’acquiert par un approfondissement de la démocratie, l’élargissement de l’espace public, l’éducation des citoyens, mais aussi la mise en place de dispositifs de contrôle et de coercition qui assurent la conformation de tous les acteurs de l’espace public à l’ensemble des règles édictées et des mesures prises par les assemblées. Le second niveau concerne la légitimité de l’ensemble des dispositifs d’intervention par lesquels, l’Etat agit (de manière violente et non violente) sur la société. Ce dispositif est organisé en une administration, qu’elle soit civile ou militaire.
Dans le cadre de l’Etat pluriel, le caractère républicain des interventions de l’Etat et son impartialité, conditionnent évidemment la valeur du pacte social qui lie les différentes communautés. La sauvegarde de ces valeurs nécessite, qu’au de-là des actions d’éducation à la culture républicaine, soient mis en place des dispositifs qui assurent que le travail des administrations est contrôlé.
Proposition
Promouvoir une culture républicaine ancrée dans les valeurs africaines
La validité du pacte social nécessite un strict respect des règles du jeu par les différents acteurs de l’espace public.
Faire des fondements éthiques de la constitution, la source d’inspiration des institutions, des lois et des règlements. Il s’agira, d’abord, de rendre le champ républicain plus légitime, c’est-à-dire inclusif des références culturelles, religieuses et sociales des différents protagonistes de l’espace public. Dans la perspective de refondation de la constitution, la réconciliation entre modernité et tradition, introduit cette dernière dans le champ républicain. Ce qui apparaissait jusqu’ici hors-la loi et au mieux toléré, du fait seulement de textes inadaptés, est réhabilité et institutionnalisé. Le premier niveau de reconstruction d’une culture républicaine, s’attache ainsi d’abord à corriger les anomalies du système qui jusqu’ici participaient à la production de comportements, de références et de modes de régulation en dehors du champ républicain.
Faire contribuer les différents espaces de transmission et d’évolution des valeurs à l’émergence d’une culture citoyenne. Dès lors que les anomalies du système sont corrigées, il s’agit de s’attacher à ancrer fondamentalement les valeurs de la république dans la culture individuelle et collective. Cette éducation devra s’appuyer sur les lieux principaux de production des valeurs et des croyances : la famille, l’entourage, le lieu de culte, la communauté, l’école, le lieu de travail… Au niveau de ces différents lieux de production et d’intériorisation des valeurs et des croyances, des leaders d’opinion naturels sont identifiables (les parents, les chefs religieux, l’enseignant, le patron…) sur lesquels la société devra investir pour servir de repères et de passeurs de messages positifs.
Officialiser les principales langues nationales et transcrire dans ces langues les textes de lois et de règlements. Si tout l’effort mis en œuvre pour éduquer les populations et les former, ne l’est pas dans des langues et des symbolismes qu’elles comprennent et auxquels elles accèdent facilement, les capacités acquises seront toujours faibles, marginales, incapables de tirer la société vers les finalités recherchées. Ainsi, une condition à la réalisation d’un Etat de droit, est la transcription des textes législatifs dans des langues et des supports accessibles à l’ensemble des populations. Le principe du « nul n’est censé ignorer la loi » n’a aucun sens et est inopérant, si la loi est exprimée dans une langue et dans un alphabet que les 90 % de la population ne comprennent pas.
Passer d’une vision patrimoniale et solitaire du pouvoir à une vision dynamique et solidaire. En plaquant le modèle d’Etat occidental sur les sociétés africaines, le colon, mais aussi, les élites africaines de l’après indépendance l’ont utilisé dans ses manifestations les plus autocratiques. L’exercice solitaire du pouvoir, la gestion patrimoniale des biens publics sont les les conséquences d’une représentation poussée à l’extrême du culte de l’omniscience de l’Etat. L’Etat au-dessus de tout conduit logiquement à la perception que : les serviteurs de l’Etat (gouvernants et fonctionnaires) sont aussi au-dessus de tout. La lutte contre les abus de pouvoir passe ainsi par l’inversion de cette perception. Un code d’éthique doit être élaboré dans ce sens, mais pour le sortir de son artificialité actuelle, ce code doit parler aux africains. Le processus de réappropriation sociale du pouvoir devra, pour aboutir à un code d’éthique authentiquement africain, s’intéresser à la fois à la forme (les mots, les expressions), le sens (ce que l’on met dans les mots) et le rituel (le mode d’administration du code). Ce qui justifie encore la nécessité de réhabiliter les langues nationale et surtout, de développer des concepts dans des langues qui rendent fidèlement compte de ce que nous y mettons, sans équivoque possible.
Réhabiliter le statut et la fonction des magistrats et auxiliaires de justice pour conforter l’Etat de droit. Enfin, une lutte systématique sera menée contre la corruption et les abus de pouvoirs. Dans ce cadre, il est impératif que le système judiciaire soit renforcé et protégé. Le statut et la fonction des magistrats et de tous les auxiliaires de justice seront revalorisés, afin de leur conférer plus de confort et de sécurité. En contrepartie à cette revalorisation, le principe de la déclaration de patrimoine doit être institué au niveau des magistrats et auxiliaires de justice. Aussi, la séparation l’indépendance du pouvoir juridique sera renforcée. Les améliorations devront porter sur le lien organique entre le pouvoir exécutif et le pouvoir juridique. Ainsi, la suppression totale de la tutelle administrative exercée par le pouvoir exécutif sur la justice réaliserait une bonne partie de cet objectif.