Première rencontre régionale de l’Alliance des initiative pour la paix : Kankan (Guinée) Du 28 avril au 5 mai 2006.

FEMMES POUR LA PAIX ET «GENS DE LA PAROLE» DANS LES ESPACES TRANSFRONTALIERS

L’«Alliance des Initiatives Africaines pour la Paix en Afrique de l’Ouest» a tenu sa première Rencontre Régionale du 28 avril au 5 mai à Kankan en République de Guinée. Kankan dans la zone frontalière entre la Guinée et le Mali est une ville par excellence des «gens de la parole» (Sory Camara 1975, 1992), de l’art de la communication sociale, et aussi des échanges commerciaux à travers l’histoire de l’Afrique de l’Ouest. Pendant des siècles, les familles commerçantes et maraboutiques ont opéré dans des réseaux d’échanges et de migration dépassant les frontières du continent africain. Ainsi, le choix de Kankan pour la Première Rencontre Régionale de l’«Alliance» traduit la volonté d’enrichir nos activités de recherche et de lobbying par l’esprit d’ouverture au monde que cette ville inspire.

La ville de Kankan qui est, depuis ses débuts, un carrefour du commerce et des cultures, où la vie en société est basée sur une bonne gestion de la diversité humaine, met en valeur les rencontres interculturelles et les initiatives pour la paix. Les participants ont pu découvrir cela grâce aux visites guidées de Dr. Adja Saran Kaba du REFMAP et du griot et agronome Fodé Kouyaté auprès des familles et notables de Kankan et de Kouroussa. Les enseignements que les participants ont tirés de cette Rencontre ne se limitaient donc pas aux échanges intensifs sur les causes et la gestion des conflits autour de la table de conférence de l’Hôtel Baté et au sein des groupes de travail. De plus, les participants ont eu l’occasion de suivre les procédures de communication et de médiation que les “gens de la parole” de cette région de l’Afrique maîtrisent parfaitement, de vivre ce que signifie le partage de la noix de cola, d’apprendre les canaux par lesquels on transmet son message pour s’assurer l’appui des populations.

La Rencontre était organisée par Gorée Institute et le Réseau des Femmes de la Région du Fleuve Mano pour la Paix (REFMAP). Elle a réuni des initiatives de la société civile qui s’engagent pour la paix dans les espaces transfrontaliers ouest africains, des institutions de recherche et de promotion du savoir local de plusieurs pays de la sous-région, des personnalités engagées pour les innovations pédagogiques, de jeunes journalistes et des “gens de la parole” afin de créer un espace d’échange et d’enseignement mutuel.

Texte complet

ALLIANCE DES INITIATIVES AFRICAINES POUR LA PAIX EN AFRIQUE DE l’OUEST: RAPPORT SUR LA PREMIERE RENCONTRE REGIONALE DE KANKAN, GUINÉE (28 avril – 5 mai 2006)

FEMMES POUR LA PAIX ET «GENS DE LA PAROLE» DANS LES ESPACES TRANSFRONTALIERS

I. INTRODUCTION

II. LE PROGRAMME DE LA RENCONTRE

III. EFFETS IMMEDIATS ET CONCLUSION

IV. LISTE DES PARTICIPANTS

Femmes expertes et engagées à la Rencontre Régionale de Kankan. De gauche à droite: Marie Rosalie Sagna du WIPNET (WANEP), Marieme Sia Kamano, Présidente des Femmes Commerçantes et Vice-présidente de l’antenne REFMAP à Guéckédou, Carine Alougou Etende, journaliste, candidate à la maîtrise sur le thème « Genre et Paix » au CESTI, Kode Nascimento, anthropologue avec un diplôme en sciences politiques du Gorée Institute, Mme Bayo Kamano, Présidente de l’antenne du REFMAP, Gueckédou.

INTRODUCTION

L’«Alliance des Initiatives Africaines pour la Paix en Afrique de l’Ouest» a tenu sa première Rencontre Régionale du 28 avril au 5 mai à Kankan en République de Guinée. Kankan dans la zone frontalière entre la Guinée et le Mali est une ville par excellence des «gens de la parole» (Sory Camara 1975, 1992), de l’art de la communication sociale, et aussi des échanges commerciaux à travers l’histoire de l’Afrique de l’Ouest. Pendant des siècles, les familles commerçantes et maraboutiques ont opéré dans des réseaux d’échanges et de migration dépassant les frontières du continent africain. Ainsi, le choix de Kankan pour la Première Rencontre Régionale de l’«Alliance» traduit la volonté d’enrichir nos activités de recherche et de lobbying par l’esprit d’ouverture au monde que cette ville inspire.

La ville de Kankan qui est, depuis ses débuts, un carrefour du commerce et des cultures, où la vie en société est basée sur une bonne gestion de la diversité humaine, met en valeur les rencontres interculturelles et les initiatives pour la paix. Les participants ont pu découvrir cela grâce aux visites guidées de Dr. Adja Saran Kaba du REFMAP et du griot et agronome Fodé Kouyaté auprès des familles et notables de Kankan et de Kouroussa. Les enseignements que les participants ont tirés de cette Rencontre ne se limitaient donc pas aux échanges intensifs sur les causes et la gestion des conflits autour de la table de conférence de l’Hôtel Baté et au sein des groupes de travail. De plus, les participants ont eu l’occasion de suivre les procédures de communication et de médiation que les “gens de la parole” de cette région de l’Afrique maîtrisent parfaitement, de vivre ce que signifie le partage de la noix de cola, d’apprendre les canaux par lesquels on transmet son message pour s’assurer l’appui des populations.

La Rencontre était organisée par Gorée Institute et le Réseau des Femmes de la Région du Fleuve Mano pour la Paix (REFMAP). Elle a réuni des initiatives de la société civile qui s’engagent pour la paix dans les espaces transfrontaliers ouest africains, des institutions de recherche et de promotion du savoir local de plusieurs pays de la sous-région, des personnalités engagées pour les innovations pédagogiques, de jeunes journalistes et des “gens de la parole” afin de créer un espace d’échange et d’enseignement mutuel.

Fodé Kouyaté, Président du réseau des communicateurs traditionnels de la Guinée, lors de la présentation des objectifs de l’«Alliance» auprès de la famille de l’écrivain Camara Laye à Kouroussa.

Des actions culturelles pour faire connaître les objectifs de l’Alliance étaient intégrées au programme de la Rencontre. Ce programme culturel intégré peut être décrit comme initiation dans les procédures de communication entre les «hôtes» et les «étrangers» selon les règles locales, qui, dans ce cas, sont les règles en vigueur dans le monde culturel Mandé qui s’étend à travers toute l’Afrique occidentale.

La Rencontre Régionale de Kankan a été accompagnée par les médias et l’organisation des communicateurs traditionnels. La jonction du réseau de l’Alliance avec celui des femmes de la région du fleuve Mano pour la Paix a été publiquement présentée aux notables et aux autorités politiques de la ville et de la région, et «traduite» par les «gens de la parole» dans le cadre d’un évènement culturel. À cette occasion, les partenaires de l’Alliance ont pu participer aux danses typiques des groupes sociaux, des classes d’âge, des quartiers, devant un grand public de spectateurs.

Le présent rapport ne représente pas l’ordre chronologique des activités, mais les grandes axes des différentes activités dont certaines (sessions de travail) se sont déroulées parallèlement. La plupart des documents mentionnés plus bas seront inclus dans le Magazine de la Rencontre de Kankan que nous publierons prochainement.

Plenière dans la salle de conférences de l’Hotel Baté à Kankan lors de la présentation de Adama Diawara de l’Institut Point Sud dans le cadre de l’Espace Dialogue sur le rapport entre gestion des ressources et conflits

LE PROGRAMME DE LA RENCONTRE

L’agenda de cette Rencontre était bâti autour de différents modes d’apprentissage et de partage des savoirs : les Espaces Dialogue, l’Action Culturelle, l’Apprentissage sur le Terrain, les Séances de travail en groupe et les Unités de formation avec des Exercices pratiques.

1. Espaces Dialogue

1. Analyse des causes des conflits – le statut de l’«étranger» et l’accès aux ressources

Les systèmes de régulation d’accès aux ressources en vue de la prévention des conflits (exemple des «burgutières» du Delta Intérieur du Niger)

par Adama Diawara, Chercheur à l’Institut Point Sud, Professeur d’Anthropologie à la FLASH, Département des Sciences Sociales, Université de Bamako (Mali).

Étude du cas Ivoirien – la perspective de l’«étranger» par Bakary Camara , Faculté des Sciences Juridiques et Politiques , Université de Bamako (Mali)

Quelques causes de la crise ivoirienne par Bernard Ano Boa, ONG THA- MERI, Abidjan

2. Genre et Paix – les femmes et la construction de La Paix

Ouverture par Adja Saran Daraba Kaba.

Contributions de Sia Mariame Kamano (REFMAP Guéckédou) et de Marguerite Koly Keny (Kabonketoor, Ziguinchor) sur les défis de la construction de la paix dans deux zones transfrontalières

Tour de table entre les femmes du REFMAP, antennes «bec du perroquet»et les initiatives des femmes pour la paix du Sud du Sénégal et du Mali (Kabonketoor, Usoforal, WANEP, FERFAP)

3. Les systèmes de communication et la construction de la Paix

Le rôle des «communicateurs traditionnels» du monde mandé dans l’actualité, leurs domaines d’intervention, méthodes de gestion des conflits

par Fodé Kouyaté, Ingenieur agronome et Président du Réseau des

Communicateurs Traditionnels de la Guinée

Le rôle des «communicateurs traditionnels» chez les Moosee (Burkina Faso)

par Albert Ouedraogo, Département des Innovations pédagogiques à l’Université de Ouagadougou

4. Echanges avec les enseignants et étudiants de l’Université de Kankan

L’importance de la documentation et du travail de l’archiviste pour la sauvegarde du patrimoine culturel africain par Saliou Mbaye, ancien directeur des Archives Nationales du Sénégal

Genre – Paix – Communication: L’utilisation des médias comme outil de guerre ou de paix – La responsabilité des journalistes par E. Aw-Ndiaye, CESTI

2. L’action interculturelle

1. La «mamaya» de Kankan – pour la diffusion du message de paix de l’«Alliance»

 

3. Apprentissages sur le terrain

1. Pratiques culturelles de médiation entre les «étrangers» et les «autochtones» dans le contexte de la civilisation mandingue

 

4. Séances de Travail –

1. Restitution par pôles

2. Unités de formation et exercices pratiques

2.1. Méthodologie de la recherche et documentation pour le projet «Aliin Siitoye Jaata» (pôle I / A)

2.2. Genre et Paix: méthodologie et éthique dans la collecte d’informations sensibles pour les deux groupes du pôle A, applications pratiques (enregistrements sonores).

2.3. Méthodologie de la collecte et analyse des contes populaires pour le pôle II «Oralité»

2.4. Introduction pratique aux méthodes du théâtre forum

2.5. Séance de contes

3. Plateformes

3.1. Citoyenneté

3.2. Communication

3.4. Groupe de réflexion sur les dispositifs institutionnels de l’«Alliance».

Les derniers préparatifs pour la Rencontre sont terminés. Salle de conférence à l’Hotel Baté, Kankan

1. Espaces Dialogue

Espace Dialogue 1 – Analyse des causes des conflits – Statut de l’«étranger» et accès aux ressources

Trois cas d’analyse des causes des conflits ont été présentés en plénière. Les contributions ci-dessous mentionnées seront publiées prochainement sous une forme abrégée dans la rubrique «Regards Croisés» du Magazine de la Rencontre de Kankan.

Étude du cas Ivoirien – la perspective de l’«étranger» par Bakary Camara , Faculté des Sciences Juridiques et Politiques , Université de Bamako (Mali)

Quelques causes de la crise ivoirienne par Dr. Bernard Ano Boa, ONG THA-MERI, Abidjan - La dynamique du conflit ivoirien sous la perspective de celui qui a vécu le conflit «dedans»

Débat et perspectives

La problématique du statut de l’«étranger» et le droit d’accès aux ressources et aux pouvoirs entre le droit coutumier et le droit des Etats a suscité un long débat parmi les participants. Ceux-ci ont évoqué toute une série de cas de conflits (et des expériences vécues) sur le fond de l’opposition et de la manipulation politique des catégories sociales nommées «autochtone» et «étranger».

Compte tenu, d’une part de la complexité du problème et de la rareté d’études représentatives (ou accessibles) d’autre part, le thème de l’«étranger» a été intégré dans les réflexions de la plateforme «citoyenneté» sur la question de l’intégration régionale. Aussi, après le débat, les membres du pôle II «Oralité» ont décidé d’intégrer ce thème dans leur programme de recherche sur la gestion des conflits à la lumière des contes populaires.

Le statut de l’«étranger» en Afrique de l’Ouest sera le thème d’un Espace Dialogue continu, inclus dans les prochaines Rencontres Régionales et Ateliers de l’Alliance.

Adja Saran Daraba Kaba (REFMAP) avec le Dr. Mawiatou Ba, Vice-Recteur de l’Université Julius Nyerere de Kankan, à l’ouverture de la Rencontre Régionale de Kankan.

Espace Dialogue 2 – Genre et Paix – Les femmes et la construction de la paix dans les espaces transfrontaliers

Les femmes de la Mano River organisées sous le toit de la REFMAP sont venues de la région lointaine du «bec du perroquet» à Kankan pour rencontrer les initiatives des femmes pour la paix du Sud du Sénégal et du Mali (Kabonketoor, Usoforal, WANEP, FERFAP).

Les objectifs, les expériences et les défis des différentes initiatives pour la paix dans les différents espaces transfrontaliers ont été exposés par Mme Adja Saran Daraba Kaba, Mme Sia Mariama Kamano, Présidente des femmes commerçantes de Guéckédou et Vice-Présidente de l’Antenne REFMAP et par Mme Marguerite Koly Keny, porte-parole de l’organisation Kabonketoor.

La session d’échanges entre les représentantes des initiatives a été orientée à tour de rôle par Dr. Adja Saran Daraba Kaba du REFMAP et par Mme le Prof. Eugénie Aw Ndiaye du CESTI. Par un tour de table, toutes les femmes présentes ont partagé leurs expériences, parfois très dramatiques, des histoires de vie qui traduisent leur refus d’être victime et leur ferme décision de faire tout pour arrêter la spirale de la violence.

Présentation de la situation de crise dans le «bec du perroquet» entre la Guinée, la Sierra Leone et le Libéria par Mme Sia Mariama Kamano, Présidente des Femmes commerçantes de Guéckédou et Vice-présidente de l’antenne REFMAP à Guéckédou.

Parmi les perspectives d’action commune issues de cette rencontre de femmes, nous citons:

1. Expérimentation d’outils de sensibilisation face aux mutations sociales qui accompagnent le processus de paix dans les deux zones frontalières considérées :

1. Dans le domaine de l’égalité du genre

2. Dans le domaine de la reconstruction des rapports entre les générations

3. Dans le domaine de la réintégration des anciens combattants (ayant violé de manière dramatique les lois de leur communauté d’origine)

2. Organisation d’unités de formation pour renforcer les capacités organisationnelles et de négociations (à tous les niveaux) des organisations de femmes. Un premier atelier de formation devra se tenir au Sénégal ou en Guinée-Bissau, où les initiatives des femmes pour la paix n’ont pas encore atteint un niveau d’unification leur permettant, à l’instar du REFMAP / MARWOPNET de faire valoir leurs positions au niveau des décideurs lors des des négociations de paix Par contre, ces initiatives locales possèdent une expertise dans les mécanismes de négociation à l’échelle des communautés transfrontalières.

3. Préparation de l’Espace Dialogue des Femmes pour la Paix qui aura lieu dans le cadre de la deuxième Rencontre Régionale, prévue en fin septembre ou en début d’octobre 2006, de préférence à Tombouctou au Mali sinon elle se fera ailleurs entre les frontières du Mali, du Sénégal et de la Guinée-Bissau.

Parmi les nouvelles découvertes et interrogations:

Une réflexion plus approfondie sur le rôle des prêtresses qui, dans les sociétés dites «horizontales» qui se sont soustraites à toute forme de gouvernement institutionnalisé, s’engagent dans une gestion pacifique des conflits. Comment ces sociétés qui n’ont également pas connu l’institution des «gens de la parole» ou d’autres catégories de médiateurs ont su gérér leurs conflits internes et externes? (convergence entre la thématique du pôle I / A «Aliin Siitoye» et les pratiques au sein du REFMAP et de Kabonketoor).

Une réflexion sur l’histoire des initiatives en faveur de la paix du temps colonial, des initiatives donc qui se sont constituées indépendamment des projets de développement et qui continuent, jusqu’à présent, à s’engager en dehors du secteur appuyé par l’aide extérieure.

Les recommandations du groupe de travail «Genre et Paix» seront publiées dans le Magazine de la Rencontre de Kankan.

Espace Dialogue 3 – Les systèmes de communication pour faire passer le message de la paix

Cet espace a été ouvert par les présentations de Fodé Kouyaté, griot et ingénieur agronome, Président du Réseau des Communicateurs Traditionnels de la Guinée et de Dr. Albert Ouedraogo du Département des Innovations Pédagogiques à l’Université de Ouagadougou. Les deux contributions portaient sur le statut, le rôle et les instruments du «communicateur traditionnel» comme médiateur et négociateur en chef dans les sociétés de l’Afrique de l’Ouest (exemples de la société mandingue et moosee) et l’importance de son intervention dans le processus de paix.

Les «communicateurs traditionnels» - depuis l’ancienne société mandingue jusqu’à ce jour occupent un statut social bien distinct et non sans ambiguïtés. Ils possèdent des savoirs spécifiques concernant l’histoire, la construction des rapports de pouvoir, la détente des crispations sociales, la médiation et la diplomatie. Leur art de créer des messages et de les diffuser au bon endroit, de (ré-) découvrir un système commun de référence, sous-jacent aux diversités apparentes, de faire passer des messages entre des opposants qui ne trouvent pas un langage commun a déjà fait ses preuves à maintes occasions.

Discussion et perspectives:

Les participants, les «gens de la parole» et les jeunes journalistes ont échangé sur le fonctionnement et sur le rôle des différents systèmes de communication dans la diffusion des connaissances en faveur de la paix. Les jeunes journalistes ont enregistré des interviews sur des pratiques culturelles comme le partage de la noix de cola et les domaines classiques d’intervention du griot à l’échelle locale ainsi que dans le cadre des nouveaux projets de société ainsi que l’envisage le REFMAP.

Espace Dialogue 4 – Rencontres à l’Université Julius Nyerere de Kankan

À l’occasion de la visite de l’Université Julius Nyerere de Kankan, Fodé Kouyaté a donné une introduction à l’histoire de la naissance de l’empire du Mali dont les fresques couvrent un mur de la bibliothèque.

Le recteur et les enseignants de l’Université Julius Nyerere de Kankan ont invité les partenaires de l’«Alliance» à présenter les objectifs du projet et à partager avec eux et avec une foule d’étudiants des savoirs portant sur la documentation du savoir local et le rôle des médias dans les conflits. Cet échange compte parmi les évènements impressionnants de la Rencontre de Kankan.

Les deux intervenants de l’«Alliance» ont présenté des contributions pour ouvrir le dialogue sur les deux thèmes:

L’importance de la documentation et de la conservation du patrimoine africain et notamment du savoir local sous la perspective des objectifs de l’«Alliance» et d’autres initiatives à la recherche de nouvelles «anciennes» méthodes pour stabiliser la paix par Saliou Mbaye, ancien directeur des Archives Nationales du Sénégal

L’importance de former les journalistes et tous les communicateurs à respecter les cultures locales et à faire appel à leur responsabilité dans la genèse et l’évolution des conflits (exemple du Ruanda) par Eugénie Aw-Ndiaye, Directrice du CESTI

 

Perspectives de collaboration:

Le recteur, le vice-recteur et les doyens des facultés de l’Université de Kankan ontmanifesté leur disponibilité à associer l’université de Kankan à l’«Alliance» et à appuyer les activités de recherche sur le rôle des femmes dans le processus de paix en Guinée forestière (projet du pôle I / B, décrit dans le rapport du projet). L’université de Kankan est affilié au réseau de chercheurs MANSA (Mande Studies Association) qui constitue une ressource importante en matière de connaissances concernant le monde manding.

2. L’Action Culturelle

REFMAP et RENACOT (Réseau des Communicateurs Traditionnels de la Guinée) ont organisé une grande manifestation culturelle à Kankan le dimanche après-midi, 30 avril 2006, pour faire connaître devant un vaste public et en présence du gouverneur de la région, du préfet et du maire de la ville de Kankan la mission des Femmes de la région du fleuve Mano pour la Paix et de l’«Alliance des Initiatives Africaines pour la Paix en Afrique de l’Ouest». Less «gens de la parole» en charge de la modération ont trouvé des expressions très touchantes pour décrire la nécessité et la force de l’union des initiatives de la société civile dans la recherche de la paix à l’échelle sous régionale.

La Région de la Haute Guinée et la ville de Kankan ont réservé tous les honneurs aux représentantes de l’«Alliance» du REFMAP et du Gorée Institute, assises à coté du gouverneur, avant de rejoindre la foule des danseurs.

Au cours de préparatifs pour la Rencontre Régionale de l’«Alliance», REFMAP avait mobilisé la population des quartiers de la ville de Kankan et du village de Kouroussa, les femmes et les hommes, les classes d’âge, les autorités politiques et religieuses, les représentants du pouvoir du gouvernement et les autorités traditionnelles, la radio et les «gens de la parole».

L’élément le plus marquant de cette manifestation a été la mise en scène du code local de la communication interculturelle : les «communicateurs traditionnels» ont présenté chaque partenaire de l’«Alliance» en nommant son pays d’origine, sa mission et son statut, en conformité avec le code culturel qui règle la présentation des «étrangers» dans la civilisation mandingue. Les groupes sociaux et les initiatives de la société civile, de la ville et de la région de Kankan ont été également annoncés par les «gens de la parole» avant de se présenter eux-mêmes en dansant avec leurs emblèmes (symboles) et habillements typiques indiquant ainsi leur statut et leurs objectifs. L’effet d’union a été célébré en incluant les «invités» à la ronde de danses.

Les représentantes des antennes du REFMAP en région forestière de la Guinée, vêtues des tenues de leur organisation, participent à la «danse des hommes forts» (mamaya, danse de sortie de la réclusion initiatique), Kankan, 30 avril 2006 (Foto: Diol).

3. Apprentissage sur le terrain

En faisant l’expérience des rites d’introduction auprès des notables de la ville de Kankan et du village de Kouroussa et auprès des autorités politiques locales et régionales, les participants à la Rencontre de Kankan ont appris la manière de procéder pour gagner l’appui populaire à une nouvelle cause. L’effet de cette pratique de terrain était donc double: les informations sur les objectifs de l’Alliance ont été diffusées dans toute la région, les participants à la Rencontre ont appris les règles de la communication locale (et régionale) qui font partie en même temps de toute procédure de négociation (rôle du médiateur, rites d’ouverture et de clôture).

Le village de Kouroussa. La concession de la famille du fondateur du village a été un lieu d’accueil chaleureux et d’apprentissage pour les participants.

Les informations ont été également portées individuellement auprès des personnalités influentes de Kankan, selon les règles en vigueur. Il s’agit du fils et successeur de Cheikh Mohammadou Chérif, du plus ancien de la famille Kaba, fondatrice de la ville, et de l’imam.

 

Introduction des visiteurs et de leur projet auprès du descendant le plus âgé du lignage Kaba, fondateur de la ville de Kankan.

4. Séances de Travail

1. La restitution par pôles de recherche et action pour la citoyenneté

Présentation et restitution des deux groupes de travail du pôle I : Sortir de la crise – l’action des femmes pour le renouvellement social et l’intégration de l’autre

1. Groupe de travail Pôle I / A «Aliin Siitoye Jaata»

Planification de l’exposition itinérante (caravane de la paix) et restitution du plan de travail, division des tâches

Préparation de la deuxième Rencontre Régionale de l’«Alliance», prévue au Mali

Présentation et discussion en plénière

2. Groupe de travail Pôle I B «Commerce et sécurité: les commerçantes du «bec du perroquet»

Restitution du projet à la lumière de l’évolution de la situation de crise

Description de la recherche et action pour la citoyenneté

 

3. Groupe de travail Pôle II : Littérature orale et construction de la paix et de la gouvernance

Présentation et restitution du pôle II

Recomposition du pôle suite à la sortie du partenaire de la Guinée-Bissau

Nouvelle division des tâches de collecte et d’analyse de contes dans trois pays (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali)

Travail en groupe: «communication».

2. Unités de formation et exercices pratiques

1. Pôle I / A Formation en méthodologie de la recherche, de la documentation et de la présentation des éléments collectés pour l’exposition itinérante «Aliin Siitoye» par le Saliou Mbaye (Ancien Directeur des Archives Nationales du Sénégal).

2. Pôle I (A et B) Genre et Paix: Cette unité de formation en recherche et communication a été une introduction pratique dans la collecte d’informations sensibles, l’approche biographique dans le travail pour la paix et l’application des règles en vue de la diffusion médiatique des résultats par Eugénie Aw-Ndiaye (Directrice du CESTI).

3. Pôle II Méthodologie de la collecte et analyse des contes populaires par le Dr. Albert Ouedraogo (Université de Ouagadougou).

4. Pour tous: Soirée de contes, orientée par Albert Ouedraogo

5. Pour tous: Introduction aux méthodes du théâtre forum par M. Diol de Kàddu Yaarax

Cette méthode, expérimentée au sud du Sénégal, dans le cadre de la réintégration des anciens combattants, a été identifiée comme valable pour les programmes de sensibilisation dans le cadre de la recherche et action pour la citoyenneté proposée par le pôle I B (femmes et marchés transfrontaliers).

3. Les plateformes

Les plateformes d’échange recoupent les pôles de recherche et action pour la citoyenneté et portent sur les thématiques issus des discussions en plénière ou au sein des différents pôles. Lors de la Rencontre de Kankan se sont réunis :

La plateforme «citoyenneté» cherchant à identifier et à synthétiser les différentes perspectives des partenaires de l’«Alliance» sur le rapport entre les initiatives de la société civile pour la paix, les Etats et les organisations sous régionales dans le processus de l’intégration régionale. Les membres actifs (THAMERI, TOCSIN, Institut Point Sud, Université de Kankan, PLACON-GB) sont chargés de préparer un espace de dialogue sur le statut de l’étranger dans les différentes sociétés et États africains pour la Deuxième Rencontre Régionale de l’«Alliance» au Mali en septembre ou octobre 2006.

Restitution de la plateforme «citoyenneté» par Mamadou Doumbouya de l’Université de Kankan, lors de la Première Rencontre Régionale de l’«Alliance».

La plateforme «communication» appuie les différents pôles de recherche et action au sein de l’«Alliance» en explorant les meilleures formes de transmission des «produits» de ces derniers aux groupes cibles des jeunes et des adultes. Comment transmettre et médiatiser les connaissances pour contribuer à la paix sociale?

Le message en faveur de la paix doit passer par d’autres moyens que la seule écriture. Ce groupe répond donc au besoin de diffuser des messages de paix qui seront adaptés aux formes de communication des groupes cibles (dessin animé, productions audio-visuelles, exposition, séance de contes). Par conséquent, cette plateforme réunit des jeunes journalistes (CESTI, RENAJ), des «communicateurs traditionnels», des pédagogues et des experts en matière d’innovation pédagogique (Théâtre Forum, approche autobiographique, éducation interculturelle).

Perspectives:

Appui à la réalisation du Magazine de la Rencontre de Kankan et Proposition des termes de référence pour le site Web de l’«Alliance». Les échanges entre les jeunes journalistes, les communicateurs traditionnels et les femmes pour la paix à la même occasion se reflètent dans les productions des journalistes (émission radiophonique, contributions à des séminaires, articles à publier).

4. Groupe de réflexion sur les dispositifs institutionnels de l’«Alliance».

Dès l’atelier de Gorée en 2005, un groupe de réflexion sur les futurs dispositifs institutionnels de l’«Alliance» a été constitué par CECIDE, GORIN, TOCSIN, REFMAP, PLACON-GB, FERFAP, WANEP. À la Rencontre Régionale de Kankan, ce groupe a été rejoint par l’Institut Point Sud (Mali). Une première ébauche des Statuts et Règlements Internes de l’Alliance a été faite gracieusement par Aimable Manirakiza (CECIDE et ensuite Search for Common Ground) en fin 2005.

Suite à la session de travail du groupe de réflexion sur les dispositifs institutionnels lors de la Rencontre de Kankan en avril / mai 2006 quelques changements ont été proposés. Ces deux textes continuent à constituer, cependant, le point de départ des discussions.

Le débat en plénière à Kankan n’a pas fait l’unanimité sur le degré de formalisation et de légalisation du réseau. D’un côté, la crainte d’alourdir l’initiative de procédures trop compliquées et de paralyser les véritables objectifs de l’«Alliance» a été exprimée. De l’autre côté, il s’avère nécessaire de définir le statut des partenaires par rapport à leur engagement dans l’«Alliance», soit comme chercheurs, soit comme représentants de leurs entités.

Parmi les questions à régler il faut noter la question de la propriété intellectuelle et des droits d’auteur ainsi que l’obligation de citer les sources d’une information utilisée, tout en protégeant les domaines et les personnes sensibles. Il convient de trouver une réglementation avant la publication des résultats des différents projets de recherche et action en cours.

Il est prévu que le groupe de réflexion sur les dispositifs institutionnels se réunira prochainement, de préférence en fin août ou en début septembre 2006, pour élaborer une nouvelle proposition à l’image d’une charte. Cette proposition sera analysée par des experts et approuvée par la direction du Gorée Institute avant d’être présentée à la plénière de l’«Alliance», probablement lors de l’Atelier sur la Citoyenneté prévu en fin novembre 2006.

Les partenaires qui se sont exprimés sur la question à Kankan sont d’avis que:

1. Une forme de légalisation qui exigera la création d’un siège avec ses dépendances dans les différents pays n’est pas souhaitable, au regard des frais qu’exige de telles procédures.

2. Une charte ou orientation générale sur les principes de la collaboration des partenaires et sur l’éthique de l’Alliance sera pour l’instant suffisante.

3. Une légalisation formelle ultérieure, selon l’évolution des activités de l’Alliance, ne doit pas être exclue.

EFFETS IMMEDIATS ET CONCLUSION

Les pôles de travail et leurs différents projets de recherche et d’action citoyenne au sein de l’«Alliance», les « citoyens du terrain », rappelons le, sont en même temps les partenaires et les sources d’information. Cependant, le partenariat que nous envisageons ne s’établira pas à travers un rapport classique et par définition inégal entre un chercheur ses informateurs. Dans le cadre de l’«Alliance», l’objectif est plutôt de découvrir comment générer de nouvelles connaissances dans un processus d’échanges entre différents interlocuteurs représentant éventuellement différentes perspectives sur la même problématique. C’est dans ce sens de la réciprocité – conditio sine qua non de la paix sociale - que la Rencontre de Kankan a été un grand succès.

Au delà de la Rencontre Régionale de Kankan, les partenaires explorent mutuellement leurs connaissances et les intègrent dans leurs propres activités comme c’est le cas du Festival international du Théâtre Forum qui aura lieu du 19 – 24 juillet 2006 à Dakar. Cet évènement s’inspire des pratiques pour la paix qui ont été présentées et expérimentées sur le terrain à Kankan comme le partage de la noix de cola et la gestion pacifique d’un conflit par moyen de la chanson.

Les effets de ces échanges s’avèrent multiples : la réflexion sur les causes et les solutions aux conflits violents a été poursuivie et approfondie dans le cadre de la plateforme «citoyenneté», la perspective du renforcement mutuel des réseaux des femmes pour la paix, depuis le sud du Sénégal jusqu’aux frontières de la Guinée, de la Sierra Leone et du Libéria s’est concrétisée, les cours pratiques donnés en matière de recherche sur les approches locales à la gestion des conflits et l’introduction aux méthodes de divulgation des outils pédagogiques et des outils de communication ont été fructueux

Institut:ALLIANCE:KANKAN-MAGAZINE:RAPPORTkankan.doc

Cornelia Giesing 13/02/2007

Dr. Cornelia Giesing

Programme Manager

GOREE INSTITUTE

1, rue du jardin

B.P. 05, Île de Gorée

Sénégal

Gouvernance légitime
Refonder le vivre ensemble et l’Etat
Construire la Paix et la Sécurité
Promouvoir les Territoires et le Développement

Mots-clés

Thématiques

Géographiques

Acteurs

Méthodologiques