Rapport de synthèse du Forum muti-acteurs sur gouvernance et citoyennetés au Burkina Faso

L’Alliance pour refonder la gouvernance en Afrique, section burkinabè (ARGA/BF) a organisé le 18 juin 2011 à PALACE HOTEL (Ouagadougou), un forum multi-acteurs sur le thème « gouvernance et citoyennetés : comment articuler le local au national pour ré- légitimer l’action publique ». Ce forum fait suite aux ateliers de novembre et décembre 2010 (26 novembre ; 17 et 18 décembre) qui avaient insisté sur la nécessité d’organiser un forum national pour lancer les activités de ARGA BF après sa reconnaissance légale au Burkina Faso.

L’objectif général de ce forum est de jeter les bases d’un dialogue permanent et inclusif de la pluralité des acteurs et des échelles de gouvernance. Les objectifs spécifiques sont :

o partager les conclusions du forum de Koudougou et les conclusions de l’atelier de décembre 2010,

o Partager les engagements ou les initiatives de l’Etat en matière de bonne gouvernance,

o lancer la réflexion sur les modalités pratiques et opérationnelles de construction d’un espace de dialogue et de propositions sur la gouvernance au Burkina Faso,

o identifier les acteurs désireux de poursuivre le processus pour créer un cadre fédérateur de dialogue des acteurs sur les questions de gouvernance.

Ce forum a connu la participation d’une cinquantaine de participants issus des institutions nationales (Assemblée nationale, Conseil économique et social, médiateur du Faso, départements ministériels, Secrétariat permanent du MAEP, etc.), des exécutifs locaux (conseils régionaux et communaux), des partis politiques, des organisations de la société civile, des communautés religieuses et coutumières, du monde universitaire, de la recherche, des medias, etc.

Il a été parrainé par Monsieur Soungalo Apollinaire OUATTARA, Ministre de la Fonction publique du travail et de la sécurité sociale, par ailleurs auteur d’un ouvrage sur « Gouvernance et libertés locales : pour une renaissance de l’Afrique ».

La présente note résume la quintessence des travaux du forum, notamment l’analyse diagnostique des questions de gouvernance au Burkina Faso, les enjeux ainsi que des propositions et perspectives post-forum.

Texte complet

Introduits par trois communications, ces débats ont porté essentiellement sur l’analyse de l’état de la gouvernance (aussi bien locale que nationale) au Burkina Faso, les enjeux majeurs actuels et des propositions pour une gouvernance en phase avec les aspirations des populations et une citoyenneté responsable.

La première communication est celle de Monsieur Boureima OUEDRAOGO, médiateur de ARGA/BF. Sa communication a porté sur la présentation de ARGA ses acquis, sa philosophie et le dispositif d’animation. Il a aussi fait un bref bilan du forum de décembre 2011 à Koudougou et les ateliers de Novembre et décembre 2010 organisés par ARGA/BF.

La deuxième communication a été présentée par Monsieur Raogo Antoine SAWADOGO, Président du Laboratoire Citoyennetés. Sa communication a porté sur le thème « action publique et citoyennetés : les chaînons manquants d’une réconciliation entre gouvernants et gouvernés ».

La troisième et dernière communication a été faite par Monsieur Jean Baptiste NATAMA, Secrétaire permanent du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (SP/MAEP) sur : la mise en œuvre du plan d’action national du MAEP résultat d’étape et enseignements. Sa communication a permis ainsi de comprendre le MAEP et les engagements pris par le Burkina Faso pour sa mise.

Ces trois communications introductives ont permis de camper le débat dont la modération a été assurée par Monsieur Luc Marius IBRIGA, Enseignement de droit à l’Université de Ouagadougou .

 

 

 

 

2.1. Etat des lieux de la gouvernance au Burkina Faso

Le Burkina a réalisées des avancées significatives en matière de gouvernance au cours de cette dernière décennie. Sont de celles-là :

i. le processus de décentralisation avec la mise en place effective de la communalisation intégrale,

ii. la mise en œuvre du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP), dont le rapport constitue aujourd’hui une référence unanimement reconnue par les acteurs de la gouvernance,

iii. le lancement d’un processus de réformes politiques et institutionnelles pour sortir des impasses

iv. la mise en place de structures de contrôles de l’Etat comme l’ASCE,

v. l’adoption des textes de lois (sur les quotas genre, le statut de l’opposition et la désignation de son chef de file, sur le vote des burkinabé de l’étranger, etc.) ;

vi. l’émergence d’une société civile de plus en plus active. Etc……

Force est cependant de reconnaitre que malgré tous ces efforts la situation de la gouvernance reste très en deçà des attentes des populations. Cette faiblesse est liée à la faible intégration des principes et règles de bonne gouvernance aussi bien au niveau de l’implication des citoyens à la gestion des affaires publiques que les pratiques et les cultures institutionnelles des gouvernants. Avec le taux d’analphabétisme très élevé, l’administration toujours de commandement est perçue par les populations comme une affaire de lettrés.

Toutefois, comme l’a souligné, le parrain « la gouvernance est un processus d’apprentissage quotidien et collectif de règles et de principes autour desquels les sociétés humaines conviennent pour gérer le bien commun, réguler les rapports entre l’individu et le groupe ou entre groupes sociaux cohabitant sur les mêmes espaces territoriaux ». Lorsque ces principes ne sont pas respectés, s’installent des incertitudes et des incompréhensions préjudiciables à la nécessaire confiance entre gouvernants et gouvernés pour une gestion concertée des affaires publiques. Des trois communications introductives aux débats, il est ressorti que le Burkina vit, en ce moment, une crise de la gouvernance dont les principales manifestations sont entre autres :

i) l’impunité et la crise de confiance entre gouvernants et gouvernés,

ii) l’absence de dialogue sur la conduite des affaires publiques,

iii) la perte continue des valeurs éthiques et morales et la « décrédibilisation » des légitimités coutumières et religieuses qui sont parfois instrumentalisées à des fins partisanes et politiciennes

iv) l’usage de la violence dans les revendications des différentes composantes socioprofessionnelles

v) l’absence ou le déficit de redevabilité (reddition des comptes) de la part des gouvernants aussi bien au niveau national que local

vi) la faiblesse de la participation et du contrôle citoyen de l’action publiques

vii) etc.

Les manifestations de la crise de la gouvernance qui ressortent des trois communications introductives ont permis d’ouvrir les débats qui se sont déroulés sans passion et surtout, dans un esprit constructif. Les participants ont été presque unanimes sur le fait que le Burkina Faso connait, en effet, depuis quelques temps un déficit réel de gouvernance à tous les niveaux (local et national). « L’Etat est en panne » d’où la nécessité de renégocier le contrat social en impliquant tous les acteurs à chaque étape et à toutes les échelles.

Plusieurs raisons expliquent cette crise de gouvernance. Les causes majeures évoquées sont la production de l’exclusion dans la redistribution des droits et devoirs du fait du déficit de dialogue entre gouvernants et gouvernés; la faiblesse de la culture citoyenne, la gestion non transparente et non participative des affaires publiques ; l’absence d’une vision partagée de développement, le manque de volonté politique réelle de changement, la corruption et l’impunité.

a) Le déficit du dialogue (entre gouvernant et gouvernés) et la production de l’exclusion

Le déficit de dialogue est un fait réel. Il est lié, avant tout, à l‘absence d’un cadre consensuel de débats citoyens. En effet, presque tous les espaces de dialogues créés (forum des jeunes, rencontres des femmes, ou rencontres gouvernement - secteur privé, etc.) sont initiés par le gouvernement qui en définit les modes opératoires et même les participants.-Ce qui n’est pas négatif dans l’absolu. Cependant, ces espaces ne jouent pas réellement leur rôle. Ils sont, dans la pratique, des lieux où l’expression des opinions reste canalisée dans le seul but de satisfaire aux désirs et aspirations politiciennes des organisateurs.

Le déficit de dialogue est aussi lié au problème de communication entre gouvernants et gouvernés. En effet, les modes et canaux utilisés pour informer et/ou sensibiliser les populations sont inappropriés. Ils ne sont pas toujours accessibles par la majorité des populations. Que ce soit les médias (presse écrite et audiovisuelle) ou les réseaux sociaux, tout le monde est unanime sur leur insuffisance actuelle avec une population rurale estimée à plus de 80%. Les instances locales (conseils communaux et régionaux) manquent également de dynamisme du fait essentiellement de la non maîtrise de leur rôles et responsabilités par les élus locaux dont la majorité souffre de l’analphabétisme alors que les textes, les documents et les modes de délibérations sont en français.

Comme l’a relevé, Boureima Ouedraogo, l’un des principaux goulots d’étranglement de la gouvernance et de l’Etat de droit au Burkina Faso, est l’absence de débats citoyens, la faiblesse de la participation et du contrôle citoyens de l’action publique. Toute chose qui peut contribuer, de son point de vue, à délégitimer cette action publique qui n’a de sens que dans la mesure où elle répond aux aspirations des populations.

Au déficit de dialogue, s’ajoute la rupture réelle entre l’élite intellectuelle et les autres groupes sociaux de bases, entre les collectivités locales et les citoyens, entre l’administration publique et les usagers, entre Etat et collectivités territoriales.

Raogo Antoine Sawadogo aborde cette problématique du déficit de dialogue sous l’angle de « chaînons manquants d’une réconciliation entre gouvernants et gouvernés ». Pour lui, l’une des causes majeures de cette rupture reste l’exclusion d’une bonne partie de la population dans la gestion des affaires publiques. Cette exclusion se manifeste par un déséquilibre dans la disponibilité des services sociaux de base (le déploiement du personnel public sur le territoire national), les investissements publics qui restent concentrer dans la capitale ou dans les grands centres urbains. « Cette exclusion est exacerbée chez les jeunes et les femmes qui sont moins responsabilisés dans la gestion des affaires publiques. Cette production de l’exclusion se manifeste même dans la répartition géographique des personnels publics et des services techniques. Ouagadougou et Bobo-Dioulasso concentrent, à elles seules, près de 65% des fonctionnaires. On notera par exemple que le ratio Médecins/populations est beaucoup plus élevé dans ces centres urbains que partout ailleurs dans le pays. Dans beaucoup de communes rurales, il n’y a même pas un seul médecin » fait-il remarquer. C’est, soutient-il, la conséquence directe du déficit de dialogue. Et d’ajouter qu’ « en l’absence de mécanismes permettant de faire émerger par le dialogue et le débat public des règles consensuelles et transparentes garantissant à tous un exercice équitable des droits et devoirs, on assiste parfois à une redistribution sélective de ces droits et devoirs. En fonction de leur statut social, politique ou économique, les citoyens se verront soumis à un régime de droits plus ou moins avantageux, fait d’exemption, de remise ou de contournement, ou à l’opposé, un régime des plus rigoristes. Ceux des citoyens qui sont dépourvus de telles ressources sociales, politiques ou économiques sont alors obligés de se rabattre sur des courtiers agissant en collusion avec les différents cercles de décision ».

b) Des pratiques et des cultures institutionnelles et citoyennes aux antipodes d’une gouvernance légitime

Un autre déficit important de gouvernance au Burkina Faso, est l’absence de vision partagée dans le long terme. Les documents de référence en matière de politiques publiques (Etude prospective 2025, le CSLP, la SCADD) sont très peu ou pas du tout connus de la majorité de la population. Naturellement, ces projections dans l’avenir ne sont connues que des seuls gouvernants ou des élites intellectuelles. Cela pose la lancinante problématique de l’adhésion des citoyens à ces politiques et leur participation à la mise en œuvre. Or, il s’agit de référentiels en matière de politiques publiques dont la mise en œuvre vise l’amélioration des conditions et cadres de vies des populations. Là encore, se pose le problème du dialogue entre gouvernant et gouvernés autour d’un projet de société, des valeurs et principes auxquels adhèrent et s’engagent collectivement toutes les composantes socioprofessionnelles. C’est entre autres, l’une des principales causes des crises cycliques qui viennent remettre en cause la paix et la stabilité sociales en cristallisant les tensions entre intérêts de groupes et intérêt général. Cette façon de conduire les politiques publiques traduit la réalité des cultures politiques et institutionnelles au Burkina Faso. Les gouvernants ne sentent pas la nécessité d’associer les citoyens à l’élaboration des politiques. De même, ils ne se sentent pas obligés de leur rendre compte. Souvent , on essaie de le faire mais à travers des canaux peu appropriés et surtout sans leur donner les possibilités de critiques et de propositions.

L’on pourrait également noter les insuffisances de la gouvernance locale avec le processus de décentralisation/déconcentration qui butte sur la faiblesse des ressources et la non effectivité du transfert des compétences. Ce qui fait dire au SP/MAEP Monsieur Jean-Baptiste NATAMA qu’il s’agit ici d’un « défit herculéen ». Il y a aussi la problématique de la relation Etat - Collectivités territoriales marquée par une trop grande influence voir une immixtion du gouvernement dans les affaires locales. Cette implication de l’Etat ne se limite donc pas à l’appui technique et au contrôle de légalité ou de conformité de la gestion locale. Elle prend souvent des allures politiques avec des débarquements avec force de maires au prétexte de mauvaise gestion. Dans certains cas, ce sont des décisions salutaires. Malheureusement l’application de cette rigueur de la loi reste sélective.

Sur le plan économique, les participants au forum ont relèvé le paradoxe burkinabé avec une croissance constamment vantée par les pouvoirs publics sans que cela n’ait une incidence sur les conditions de vie des populations dont la majorité ploie sous une pauvreté endémique. Est-ce parce que cette croissance profite aux seuls gouvernants ou est-ce parce qu’elle est fictive ? Ou est parce croissance démographique neutralise celle. Il y a, dans tous les cas et du point de vue des participants, un déficit de démocratie sociale marqué par une mauvaise répartition des richesses.

Du côté des citoyens, le forum a insisté sur la faible culture citoyenne des populations qui constitue avec le déficit de dialogue et la production des exclusions, les « trois panes de la gouvernance » que Monsieur Raogo Antoine Sawadogo a partagé au forum. Cette faible culture citoyenne s’explique principalement par les cultures politiques et institutionnelles qui président à la gouvernance de nos Etats. En effet l’appropriation des valeurs démocratiques restent encore un défit que de simples discours ni slogan ne peuvent résorber. Elle se traduit par une volonté politique réelle d’impliquer les populations mais aussi et surtout de renforcer les capacités de ces dernières à participer et à interpeller les gouvernants sur la gestion des affaires publiques.

Pour le forum, la crise de la gouvernance conduit inexorablement à des ruptures qui s’expriment sous diverses formes. Par exemple la crise sociopolitique qui secoue le pays depuis le premier semestre de l’année 2011, a montré qu’en l’absence de cadres organisés d’expression et de prise en charges des préoccupations des citoyens, la violence s’installe comme la seule alternative. On constate ainsi que les manifestations sont de plus en plus violentes et ne sont plus l’apanage d’acteurs classiques de l’animation de la vie politique c’est –à-dire les syndicats, les partis politiques, ou la société civile organisée. Ce sont des jeunes (élèves), des paysans (coton-culteurs), des miliaires, des commerçants qui ont secoué les institutions publiques et défié l’autorité de l’Etat. Avant, ils manifestaient leur mécontentement par le boycott des élections (faible participation aux différents scrutins). Désormais, ils sont passés aux casses des édifices publics, des représailles contre la hiérarchie et les dirigeants (incendie de domiciles, autres violences exercées contre des personnalités). Mieux, ces manifestations ne partent plus de la capitale pour gagner les autres localités. C’est plutôt à l’inverse que l’on a assisté. C’est à dire que les violences sont parties de la périphérie (Koudougou, Ouahigouya, Gaoua, Fada N’Gourma, Réo, Poa, kindi, etc) vers la capitale.

A ces « panes » s’ajoutent d’autres questions plus transversales soulevées dans le rapport du Mécanisme d’évaluation par les Pairs (MAEP) rendu public en 2009 et qui résument bien les problèmes soulevés plus haut. Ces questions ont été soumises aux débats du forum par Jean-Baptiste Natama. Elles portent essentiellement sur :

i) la gangrène de la corruption qui, tout en éloignant les gouvernants des gouvernés, subvertit tous les efforts de réforme ;

ii) l’implication notoirement insuffisante de la femme et de la jeunesse dans le processus de développement comme partenaire et acteur à part entière ;

iii) une gouvernance politique et démocratique qui délivre aux populations peu de dividendes en termes de sécurité juridique et physique, de sécurité alimentaire, de sécurité socio-économique et environnementale ;

iv) l’exigence de construire un large consensus autour de la vision projetée à l’horizon 2025 pour l’assise d’une économie émergente ;

v) la promotion du transfert des capitaux et des savoirs faire des burkinabè de l’extérieure pour en faire un levier dynamisant d’une croissance économique ouverte et compétitive.

c) Des réformes toujours opérées dans l’urgence

Les crises cycliques qui ont marqué l’histoire récente du Burkina Faso ont toujours été des moments d’entreprendre des réformes politiques et institutionnelles pour ramener la paix. Malheureusement, ces réformes élaborées en vue de rétablir la paix et la stabilité s’opèrent le plus souvent dans l’urgence et ne prennent pas en compte cette exigence de vision partagée à court, moyen et long termes. Ces solutions d’urgence apportées aux problèmes ponctuels s’effacent dès que la tension baisse. Pour les participants au forum, les processus institutionnels au Burkina Faso sont caractérisés par un « déficit de vision » et un « déficit de mémoire ». Il se dégage une impression générale de perpétuel recommencement, « d’obsession du nouveau et une inculturation de la gouvernance ». Cette absence de projection, dans le long terme, dans l’ingénierie institutionnelle, contribue à alimenter et renforcer la crise de confiance entre les populations et le gouvernement. Les mêmes problèmes surviennent quelques temps après dans les mêmes conditions et souvent de façon plus accentuée donnant l’impression d’une absence de volonté politique réelle de créer les conditions d’une bonne gouvernance. Se dégage aussi un sentiment d’impunité totale pour certaines catégories de citoyens à qui tout semble permis. La cristallisation des positions autours des réformes politiques en cours est l’expression de la profondeur de la crise de confiance entre les gouvernants et une grande partie des gouvernés. Les seconds, voyant dans chaque proposition du gouvernement des calculs politiques et des agendas cachés, s’en démarquent.

En définitive, le forum note que le Burkina Faso traverse une crise profonde de la gouvernance qui interpelle toutes les catégories d’acteurs et invite à la réflexion collective pour sortir des impasses. Cette crise pose la question de la légitimité et de l’efficacité de l’action publique en termes de réponses aux aspirations collectives et individuelles des Burkinabè. Elle pourrait être, cependant, une opportunité de repenser la gouvernance en s’appuyant sur des processus inclusifs des différentes composantes sociopolitiques et professionnelles et des différents niveaux d’élaboration et d’exécution (Etat, communes, régions) des politiques publiques nationales.

 

2.2. Les enjeux et défis majeurs de gouvernance au Burkina Faso

Au regard des constats dressés plus haut, les débats du forum ont abordé les enjeux majeurs de gouvernance et les défis qu’il convient de relever afin de créer les conditions d’une gestion efficace, participative et efficience des affaires publiques. Des initiatives existent tant dans les politiques gouvernementales qu’au niveau des acteurs non institutionnels et des partenaires techniques et financiers. Malheureusement, le cloisonnement de ces initiatives et des sphères de compétences ne permet ni un dialogue inclusif des différents acteurs, ni une mutualisation des pratiques, des expériences et des moyens, ni une articulation du local au national.

L’éducation et la sensibilisation à la citoyenneté et à la démocratie sont nécessaires pour susciter l’adhésion et la participation du plus grands nombre à la gestion des affaires publiques. En outre, l’appui aux collectivités territoriales s’impose comme un moteur de cette formation citoyenne en vue d’un développement local réellement participatif. Ces collectivités (les communes et les régions) manquent sérieusement de ressources humaines, infrastructurelles et financières à la hauteur des attentes des populations.

Des débats du forum, il ressort que les enjeux et défis majeurs en matière de gouvernance au Burkina Faso portent entre autres sur :

i. la restauration de l’autorité de l’Etat et le rétablissement de la confiance entre Gouvernant et gouvernés en créant les conditions d’une alternance démocratique ;

ii. la lutte contre la corruption et l’impunité pour garantir l’équité dans l’exercice des droits et devoirs ;

iii. la reconnaissance et la valorisation des valeurs propres à la société burkinabé ;

iv. l’urgence de repenser l’ingénierie institutionnelle (réformes politiques et institutionnelles) en partant du local et des aspirations légitimes des Burkinabè, toutes composantes sociales confondues ;

v. l’amélioration de la gouvernance économique par la création d’un environnement institutionnel favorable aux initiatives citoyennes et des collectivités en vue de créer des richesses pour les communautés dans leurs milieux de vie ;

vi. l’amélioration de l’accès aux services sociaux de base par le renforcement de la déconcentration et du transfert des compétences et des ressources pour faire des collectivités territoriales décentralisées des moteurs de développement économique et social ;

vii. la promotion et le renforcement des espaces de débats démocratiques et inclusifs des différentes composantes sociopolitiques au niveau local et national.

Ces enjeux et défis indiquent que la ré-légitimation de l’action publique est une œuvre collective. Il ne s’agit pas de charger les gouvernants tout en déchargeant les citoyens de leurs devoirs et responsabilités. Chacun, à son niveau, doit assumer pleinement ses responsabilités et s’investir dans la construction d’un Etat respectueux de ses aspirations.

2.3. Des propositions pour ré –légitimer l’action publique

Au regard des enjeux, le forum a esquissé des propositions dont la mise en œuvre pourrait contribuer à relever les défis majeurs qui s’imposent au Burkina Faso. Il a également fait des recommandations adressées aux différents acteurs.

En ce qui concerne les propositions, l’on peut retenir entre autres :

i) la construction ou la consolidation des espaces de débats publics (au niveau national, régional et communal) permettant le renforcement de la participation et du contrôle citoyen comme moyen de remobiliser la grande majorité des populations autour de la gouvernance de la société ;

ii) l’alternance politique en vue de renouveler les compétences à tous les niveaux de l’Etat (du local au national) et de rompre avec l’inquiétante routine qui s’est installé depuis plus de deux décennies ;

iii) la prise en compte des valeurs, des principes moraux et éthiques qui fondent les compromis ou consensus locaux et à même d’offrir des alternatives aux impasses institutionnelles ;

iv) la réforme du système judiciaire en vue de renforcer son indépendance et son rôle dans la protection du citoyen, de la régulation de la gestion du bien commun ;

v) la refonte du système éducatif pour adapter la formation des jeunes aux défis et enjeux auxquels le pays fait dans le contexte international actuel ;

vi) la réforme et le décloisonnement de l’administration pour lui insuffler une culture d’imputabilité avec une bonne circulation des élites (alternance).

vii) enfin l’amélioration de la gouvernance économique pour créer les conditions maximales d’équité, de transparence, de responsabilité et de redévabilité dans la gestion des affaires publiques.

En ce qui concerne les recommandations, elles s’adressent à la fois au gouvernement, aux collectivités territoriales, aux partenaires techniques et financiers, aux organisations de la société dont l’ARGA/BF.

Ainsi au gouvernement, le forum recommande :

i) la dynamisation des cadres de dialogue existants (forum des jeunes, journées du paysan, rencontres avec les femmes) en revoyant leurs orientations stratégiques, leurs contenus, les modes opératoires et le processus de mise en œuvre des recommandations en vue de susciter la pleine adhésion du maximum d’acteurs concernés. Il faudra également leur donner un caractère inclusif et ouvert à tous les acteurs concernés

ii) la communication sur les politiques publiques et la diversification des outils (utiliser les TIC) de communication pour favoriser leur compréhension et leur appropriation par la majorité des populations.

iii) la mise en œuvre ou le renforcement d’une politique sécuritaire afin de protéger les citoyens et leurs biens des violences constatées ça et là et créant un climat délétère et préjudiciable aux initiatives de développement

iv) la réalisation d’audits organisationnels institutionnels (réédition des comptes) pour créer les conditions de transparence dans les Administrations publiques et de sanction des cas avérés de manquements graves à la gestion des biens public, prévenir l’impunité et l’exclusion sociale

v) la formation soutenue des élus locaux sur leurs rôles et responsabilité et leur accompagnement technique par une réelle déconcentration

vi) la mise des médias d’Etat au service de la formation et de l’éducation à la citoyenneté

vii) la dépolitisation de l’administration publique pour promouvoir une administration de management, de méritocratie et de proximité avec les usagers

A l’adresse des élus locaux, le forum recommande de :

i) recenser les partenaires locaux et mettre en place des espaces de dialogue avec les citoyens et la construction de partenariats avec la société civile locale pour une meilleure coordination des initiatives locales de développement,

ii) ra reddition des comptes pour permettre aux gouvernés d’apprécier leurs actions, d’interpeller et de contrôle l’action publique locale.

iii) l’organisation et la mobilisation des acteurs autour de la promotion de l’économie locale,

iv) l’utilisation des langues nationales dans les délibérations des conseils régionaux et municipaux afin de ne pas exclure les élus non francophones du processus de décision.

Quant aux partenaires techniques et financiers, les participants leur ont recommandé de soutenir les initiatives de construction et d’animation d’espaces de dialogues inclusifs aussi bien au niveau national que local en vue de contribuer à l’émergence de citoyens responsables, dynamiques et bien au fait des politiques publiques.

Aux organisations de la société civile le forum a formulé les recommandations suivantes :

i) constituer des coalitions pour construire et co-animer des espaces de dialogue et d’interpellation au niveau national et local

ii) mettre l’accent sur la formation à la citoyenneté des populations pour les outiller à assumer pleinement leurs responsabilités

iii) renforcer leurs capacités de négociation, de dialogue, d’interpellation et de propositions

Enfin à l’adresse de l’Alliance pour refonder la gouvernance en Afrique, la principale recommandation des participants porte sur l’institutionnalisation du forum ou sa pérennisation. Les participants ont souhaité que le forum puisse se maintenir et servir de cadre permanent pour discuter des questions de gouvernance au Burkina Faso. Ils ont aussi souhaité son élargissement au niveau local et la prise en compte de toues les composantes de la société burkinabé (jeunes, vieux, femmes, toutes catégories socioprofessionnelles).

Pour ce faire, ils ont demandé à l’ARGA de capitaliser les expériences des cadres de dialogue existants pour en tirer tous les enseignements nécessaires et voir dans quelle mesure, contribuer à faire émerger par le dialogue et le débat public des règles consensuelles et transparentes de gestion du bien commun. La tenue de ce forum marque un début et les participants ont bien salué l’initiative de l’ARGA/BF et de ses partenaires.

 

Conclusion

La tenue de ce forum sur le thème « gouvernance et citoyenneté : comment articuler le local au national pour ré-légitimer l’action publique » a tenu toutes ses promesses. Les travaux ont été profonds et féconds. Le niveau des débats et les engagements pris par les participants de poursuivre la réflexion sur la mise en place et l’animation d’un cadre formel multi- acteurs sont plutôt très encourageants pour ARGA/BF.

Pour sa part ARGA/BF entend s’impliquer dans la promotion d’une gouvernance légitime et les recommandations faites par les participants seront prises en compte dans son plan d’action stratégique en cours d’élaboration.

De même, elle se donnera les moyens de partager les résultats de ce forum avec les acteurs concernés. La présente synthèse fera l’objet d’une large diffusion.

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