Cour des Comptes : Le Conseil constitutionnel déclare la loi modificative anticonstitutionnelle

Le 30 septembre 2010, le conseil des ministres adoptait un projet de loi modificatif de la loi organique N°014-2000/AN du 16 mai 2000, portant composition, organisation, attributions, fonctionnement de la Cour des comptes et procédure applicable devant elle. Cette modification visait selon les termes du compte rendu de ce conseil des ministres : « un fonctionnement efficace et efficient de la Cour des comptes, en lui permettant d’effectuer le jugement des comptes, de sanctionner des fautes de gestion et de renforcer le contrôle juridictionnel des finances publiques. L’adoption du présent projet de loi permettra à la Cour des comptes d’accomplir sa mission avec toute l’efficacité requise ». Le projet de loi modificative a été adopté par l’Assemblée Nationale, et soumis au Conseil constitutionnel, pour contrôle de sa conformité à la constitution, comme le prescrit celle-ci en son article 155. Par décision en date du 24 février 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré cette loi modificative inconstitutionnelle (no n conforme à la constitution) en ses articles 6, 7, 8 et 21 et pour non respect d’une formalité substantielle prévue à l’article 133 de la constitution.

Texte complet

Cour des Comptes : Le Conseil constitutionnel déclare la loi modificative anticonstitutionnelle

Le 30 septembre 2010, le conseil des ministres adoptait un projet de loi modificatif de la loi organique N°014-2000/AN du 16 mai 2000, portant composition, organisation, attributions, fonctionnement de la Cour des comptes et procédure applicable devant elle. Cette modification visait selon les termes du compte rendu de ce conseil des ministres : « un fonctionnement efficace et efficient de la Cour des comptes, en lui permettant d’effectuer le jugement des comptes, de sanctionner des fautes de gestion et de renforcer le contrôle juridictionnel des finances publiques. L’adoption du présent projet de loi permettra à la Cour des comptes d’accomplir sa mission avec toute l’efficacité requise ». Le projet de loi modificative a été adopté par l’Assemblée Nationale, et soumis au Conseil constitutionnel, pour contrôle de sa conformité à la constitution, comme le prescrit celle-ci en son article 155. Par décision en date du 24 février 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré cette loi modificative inconstitutionnelle (no n conforme à la constitution) en ses articles 6, 7, 8 et 21 et pour non respect d’une formalité substantielle prévue à l’article 133 de la constitution.

 

Les articles de la loi organique dont la conformité à la constitution a été remise en cause par le Conseil constitutionnel visaient au fond, à opérer une mutation de statut de certains membres de la Cour des comptes. Dans sa composition, celle-ci comprend des membres magistrats et des membres non magistrats. Ces derniers sont des fonctionnaires ou des personnalités désignées en qualité de membres de la Cour en raison de leur compétence et de leur expérience en matière de finances publiques. Ils y sont nommés pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois, et cette nomination n’est pas soumise à l’avis du Conseil supérieur de la magistrature. Quant aux membres magistrats, ils sont nommés par décret pris en Conseil des ministres soit sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature (magistrats du siège), soit sur proposition du ministre de la justice après avis du conseil supérieur de la magistrature (magistrats du parquet). Ils sont régis par la loi organique portant statut du corps de la magistrature.

Qu’en est-il de cette inconstitutionnalité en réalité?

Pour les besoins de l’exercice de leurs nouvelles fonctions, la loi organique 14 permet aux membres non magistrats de bénéficier des avantages liés à la qualité de magistrat et les soumet aux obligations qui s’y rattachent. Ils n’acquièrent cependant pas la qualité de magistrats et ne peuvent par conséquent prétendre faire carrière à la Cour, puisqu’ils y sont nommés sans que leur recrutement ne soit conforme au statut de la magistrature. Or, au-delà des avantages et obligations liés à la qualité de magistrats que la loi leur accorde, la loi modificative visait à leur permettre d’y faire carrière comme les magistrats. En plus, elle les soumettait à des sanctions identiques à celles des magistrats (articles 21 et 27) et subordonnait leur nomination à l’avis du conseil supérieur de la magistrature. Le Conseil constitutionnel en a déduit « qu’une telle situation ne peut s’analyser au fond, qu’en termes de recrutement, de nomination sur titre, et d’intégration au corps de la magistrature, avec toutes les conséquences qui en découlent, de fonctionnaires sans profil déterminé et ancienneté requise… ».

Pour ce qui est de la formalité substantielle de l’article 133 de la constitution, il s’agit de l’obligation de requérir l’avis du Conseil supérieur de la magistrature sur toute question concernant l’indépendance de la magistrature. De l’avis du Conseil constitutionnel, la loi modificative, visait entre autres objectifs, à renforcer l’indépendance de la magistrature en général et plus spécialement celle des non magistrats de la Cour. Par conséquent l’avis du Conseil supérieur de la magistrature devait être sollicité, ce qui n’a pas été le cas. Le Conseil a donc conclu que « le non respect de cette formalité substantielle contrevient aux dispositions de l’article 133 de la constitution ».

Qu’en est-il de l’efficacité de la Cour des comptes ?

La Cour des comptes juge les comptes des comptables publics, sanctionne les fautes de gestion et assiste l’Assemblée nationale dans le contrôle de l’exécution des lois de finances.

Elle sanctionne les fautes de gestion commises à l’égard de l’Etat, des collectivités locales et des organismes soumis à son contrôle. En l’état actuel, elle a bel et bien les moyens de son efficacité.

La Cour est composée de trois chambres, chargées respectivement du contrôle des opérations de l’Etat, des collectivités locales et des entreprises publiques, institutions de sécurité sociale, projets de développement financés sur ressources extérieures et tout organisme soumis au contrôle de la Cour. En plus le premier Président a la faculté de créer des sections par ordonnance (Article 18 de la loi organique n° 014-2000/AN du 16 mai 2000). La loi ne limite pas la compétence de premier président de la Cour.

Chaque chambre délibère séparément selon son chef de compétence. En formation de jugement, chaque chambre est composée du Président de chambre et de deux conseillers (Article 36 de la loi organique n° 014-2000/AN du 16 mai 2000).

La Cour des comptes a tout pouvoir de sanctionner les fautes de gestion commises à l’égard de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics ou des organismes soumis à son contrôle (Article 79 de la loi organique n° 014-2000/AN du 16 mai 2000).

La Cour statue soit d’office, soit à la requête du procureur général, soit à la requête des ministres pour les faits relevés à la charge des fonctionnaires et agents placés sous leur autorité, tutelle ou contrôle. (Article 83 de la loi organique n° 014-2000/AN du 16 mai 2000).

Les fautes de gestion sont sanctionnées d’une amende dont le minimum ne peut être inférieur à 20 000 francs et dont le maximum peut atteindre le double du montant du traitement ou salaire brut annuel à la date de l’irrégularité ou de l’infraction.

Lorsque les auteurs de la faute de gestion ne perçoivent pas une rémunération ayant le caractère d’un traitement, le maximum de l’amende peut atteindre le montant du traitement annuel brut attribué aux fonctionnaires titulaires de l’indice le plus élevé de la catégorie A, échelle 1.

Les poursuites devant la Cour ne font pas obstacle à l’exercice de l’action pénale et de l’action disciplinaire.

« Si l’instruction permet ou a permis de relever des faits qui paraissent de nature à justifier une sanction disciplinaire, le premier Président les signale à l’autorité ayant pouvoir disciplinaire sur l’auteur de ces faits. Cette autorité doit, dans le délai de six mois, faire connaître au premier Président, par une communication motivée, les mesures qu’elle a prises. Si par contre, l’instruction fait apparaître des faits susceptibles de constituer des délits ou des crimes, le premier Président transmet le dossier aux autorités judiciaires compétentes ». ((Article 94 de la loi organique n° 014-2000/AN du 16 mai 2000).

Le procureur général, dispose lui aussi de cette faculté de déférer, par voie de réquisitions, aux juridictions compétentes les agissements constitutifs de crimes et délits. Il a le monopole des poursuites en cas de fautes de gestion à condition que les procédures ne soient pas entachées de nullité.

L’on attend alors la Cour à l’œuvre

Cette juridiction, dans les rapports qu’elle a déjà publiés, a mis à nu des irrégularités pouvant être qualifiées de fautes de gestion, de malversations financières et de présomption de corruption. L’on attend qu’elle use de ses pouvoirs pour sanctionner ces fautes de gestion. Pour ce faire, elle devra éviter que tous ses membres ne soient pas disqualifiés pour connaitre les faits.

Mieux, l’on attend d’elle qu’elle mette systématiquement en branle conformément à ses pouvoirs, la procédure disciplinaire celle pénale chaque fois qu’elle sera en face de faits susceptibles de constituer des fautes disciplinaires, des délits ou des crimes comme le prévoit l’article 94 de la loi organique N°14 cité plus haut.

Par ailleurs, tous les autres acteurs qui interviennent dans la chaine de répression des manquements aux règles de bonne gestion, ainsi que des actes de corruption, sont interpellés à assumer conséquemment leurs responsabilités. Car c’est en mettant fin à l’impunité et en cultivant l’esprit de la bonne gestion et la bonne gouvernance qu’on l’on peut espérer être un jour, pays émergent.

Le Réseau National de Lutte Anticorruption (RENLAC)

Tel : 50 43 32 83, tel vert : 80 00 11 22, site web : www.renlac.org.

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