Accès des femmes au foncier rural : mythe et réalités

Une drôle façon d’étouffer une prétendue velléité d’appropriation de terre !

Porokhane Peulh est un des 61 villages que compte la communauté rurale de Porokhane , un village essentiellement peuplé de Peulh pasteurs et agriculteurs. C’est justement ce village que quitte, en 2007, la nouvelle mariée A .S. en direction du Pakala pour rejoindre le domicile conjugal. La dame n’a aucune peine du monde à s’insérer socialement dans la nouvelle famille du mari. Au contraire, elle parvient même à se familiariser avec la femme du frère de son mari. Chose rare en milieu sénégalais car, en général, elles se regardent pour la plus part des cas en rivales. Les deux « coépouses » ont même pris goût à se raconter de sympathiques scènes de ménage rivalisant de moqueries badines et sensuelles.

Après deux années passées dans son réel domicile tant rêvé, celui de son mari, la dame A. S. obtient l’autorisation de faire une courte visite chez son père à Porokhane Peulh. Comme le veut la coutume, c’est pour elle, l’occasion de recueillir conseils et stratégies pour mieux parfaire son image de marque et son comportement dans son foyer éternel, c’est à dire celui de son mari. Rentrée au bercail, elle ramène quelques semences de citrouilles. Sans état d’âme, elle sème dès les premières pluies. Le temps de la récolte arrive. Toute fière du travail accompli, elle arrache quelques légumes pour agrémenter le couscous copieux du soir. Comme d’habitude et pour bien monter le fruit de son labeur hivernal, elle en réserve une part de choix à sa « coépouse - rivale». Ce qui va droit au cœur de celle-ci qui n’a pas manqué de lui transmettre ses remerciements. Mais, elle ne se doute pas un seul instant que le mari de la rivale en a une autre lecture. Et quelle furie en découvrant que le repas dégusté provenait de la récolte d’une dame n’appartenant pas à la famille du patriarche. Et de dire à sa propre femme : « Est-ce que ton amie a ramené de son père un lopin de terre pour se permettre de cultiver sur la terre de nos ancêtres, sans autorisation aucune ? » Tout furieux et contre toute attente, il se dirige vers A.S. et lui assène un coup sur le visage à l’aide d’une petite barre de fer. Et d’ajouter : « Ainsi, avec ta future balafre, il te souviendra à jamais que tu n’as pas le droit de chercher à t’octroyer la terre par tes faux exercices de charme » ! Donc, un acte prémédité d’autant que le violent homme ne doutait rien des activités champêtres de la pauvre dame. Il convient de signaler que ce drame est survenu dans une famille d’une lignée très traditionnelle où le patriarcat est de rigueur.

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C’est là un récit, à la limite incroyable mais vrai. Un cas qui révèle les obstacles sociologiques pouvant se dresser à la femme pour accéder à la terre, encore moins à la propriété foncière. Vu du côté « agresseur », c’est une simple vue de l’esprit. Dans sa conception, la femme non mariée a pour domicile celui de son père ou de ses frères. Et dans ces conditions, elle peut éventuellement subvenir à ses besoins de cultures. Quant à la femme mariée, elle appartient à la famille de son mari. A ce titre, même si elle ne peut hériter de la terre, elle peut éventuellement compter sur ses propres fils qui jouissent pleinement de ce droit coutumier.

Mais que dire du droit de la femme condamnée au célibat ? Et de la femme mariée sans fils ? Il s’y ajoute que de forts préjugés selon lesquels la femme n’a pas un pouvoir permettant de préserver le caractère sacré de la terre restent vivaces dans certaines sociétés. Sous ce rapport, le droit coutumier exclut de fait les femmes dans l’appropriation des terres. Mais, il est plus prudent de procéder à des améliorations démocratiques de manière progressive. Il me plaît de rappeler l’adage africain selon lequel si on peut faire évoluer l’homme, on ne peut pas le « révolutionner ». Et de poursuivre que tout ce qui peut être façonné par une main, une autre main peut s’en défaire, par d’autres moyens et pourquoi pas mystiques !

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