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Gouvernance, pluralisme et régulation des conflits

Dossier du pays Burkina Faso

Au Burkina Faso comme dans bien d’autres pays de l’Afrique de l’ouest francophone, l’une des inconnues des réformes politiques et institutionnelles en général et celle de la décentralisation en particulier, est la place qu’elles accorderont, formellement ou non, aux détenteurs de pouvoirs ou porteurs de légitimités autres que ceux issus du suffrage universel ou des découpages politico-administratifs (chefs coutumiers, religieux, féticheurs, confréries, leaders de la société civile, etc.) Se pose alors la question de l’ingénierie institutionnelle comprise comme « la capacité de toute communauté humaine à exprimer son désir de vivre en cohésion, à concevoir, mettre en place, faire fonctionner et faire respecter les institutions indispensables à cette cohésion. En ce sens l’ingénierie institutionnelle a pour but principal de favoriser l’émergence de communautés humaines de type nouveau, fondées sur une expérience, sur une volonté de vivre ensemble mais aussi la conviction qu’elles sont entrain de réaliser un projet commun qui est la quête d’un avenir meilleur » (Bruno Sanou, historien).

Pour être à la hauteur de leurs ambitions et de leurs missions, les collectivités territoriales décentralisées doivent s’appuyer sur des dynamiques sociales réelles.

Il apparaît important d’élargir le champ de la réflexion à tous les acteurs (universitaires, parlementaires, ministères, centres de recherches, partenaires techniques et financiers, organisations de la société civile, les communautés religieuses et coutumières à une échelle plus large, notamment le niveau national)

Cela suppose un diagnostic préalable du positionnement des différents acteurs dans l’animation de la vie publique locale, une compréhension et une définition claires des rôles et responsabilités. De ce fait les collectivités locales doivent relever un double défi :

réussir une cohabitation pacifique entre les détenteurs de pouvoirs politiques (traditionnels et modernes) et les animateurs d’espaces d’interpellation et de proposition (mouvements paysans, association de la société civile, etc), d’une part et

d’autre part, promouvoir le dialogue entre droit positif moderne et coutumier notamment sur les questions foncières, les mécanismes de régulation sociale, de la prévention, de gestion et de résolution de conflits.

Au regard des enjeux de pouvoirs qui se jouent sur les arènes locales et de la nécessité d’œuvrer à prévenir les risques de divorce entre les dynamiques institutionnelles et celles socio-historiques, la médiation de l’Alliance pour refonder la gouvernance en Afrique a entrepris de lancer un processus inclusif de dialogue, de réflexion collective et de co-construction de propositions novatrices sur la gouvernance locale en lien avec la problématique de la cohabitation des légitimités. Ce processus accorde une place importante aux expériences concrètes des acteurs. Il s’agit de contribuer à fonder des institutions nouvelles capables d’engendrer des communautés humaines responsables de leur propre histoire. Cela implique une prise en compte de l’expérience accumulée depuis des siècles, l’ouverture à toutes les mémoires culturelles et une maîtrise l’évolution des institutions dans le temps et dans l’espace.

Le défi majeur qui s’impose à toutes les composantes de la société est donc de repenser l’ingénierie institutionnelle pour sortir des impasses sociopolitiques actuelles. Des propositions et des cadres existent. Il reste à mobiliser les énergies et les volontés, à tous les niveaux autour d’un projet commun de gouvernance fondé sur les réalités et les potentialités des communautés, leurs trajectoires sociohistoriques, leurs aspirations collectives et les apports de l’universel.