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Gouvernance, pluralisme et régulation des conflits

Initiatives du chantier

Animation du chantier

Vous souhaitez contribuer à ce chantier thématique, contactez M. Assane Mbaye : assane@afrique-gouvernance.net

I. Problématique

Les États africains sont en général confrontés à un déficit de légitimité qui se manifeste par les difficultés d’institutionnalisation et d’ancrage de l’État dans les sociétés. L’une des principales causes de ces difficultés réside, d’une part, dans la volonté de décréter une organisation politique, institutionnelle, normative et sociale unifiée comme condition d’édification de l’identité nationale, au mépris des identités plurielles qui se sont sécularisées dans les sociétés africaines et, d’autre part, dans l’incapacité des États à satisfaire convenablement les besoins matériels et immatériels des populations. Or la question de l’État se pose essentiellement sous l’angle de la légitimité du pouvoir et des modes de gouvernance, c’est-à-dire de la reconnaissance par les populations et de l’ancrage dans les réalités des sociétés de l’ensemble des processus, normes, modalités d’organisation et de distribution du pouvoir ainsi que de régulation des affaires publiques. Aussi l’inadaptation des formes d’institutionnalisation et de régulation du Pouvoir contribue fortement à la survenance et à l’aggravation de la plupart des conflits qui minent le continent.

Ce chantier s’inscrit donc dans l’ambition globale de l’Alliance de reconnecter l’État et les sociétés africaines à partir de la conciliation de l’unité et de la diversité et en promouvant les principes d’enracinement et de pluralisme. Le postulat de départ est que le pluralisme doit être le pivot de l’organisation de la vie publique et de la régulation du pouvoir en Afrique. Divers aspects du pluralisme sont ainsi concernés, notamment le pluralisme normatif et le pluralisme institutionnel. Ce principe est testé à différentes échelles de gouvernance, particulièrement au niveau local, et dans différents domaines, notamment en matière constitutionnelle, de décentralisation, de délivrance de la justice, de production du droit et en matière foncière.

II. Réalisations

Dans le cadre du plan stratégique 2006-2010, trois initiatives ont été menées pour la mise en œuvre de ce chantier.

  • La première initiative concerne « La Cohabitation des légitimités: de l’inclusivité institutionnelle et du pluralisme juridique ». Cette initiative a permis la collecte de près de 400 expériences dans cinq pays (Mali, Togo, Bénin, Burkina-Faso et Sénégal) et la publication en 2010 d’un cahier régional de propositions intitulé : « Pour une nouvelle ingénierie institutionnelle qui codifie la pluralité des légitimités: des propositions pour refonder l’État ». L’Alliance développe dans ce cahier sa vision de l’identité de l’État en Afrique, communauté de citoyens mais aussi communauté de peuples ; un État forcément traversé par une diversité sociale historiquement rebelle aux frontières des États postcoloniaux. Cette diversité commande que le pluralisme soit le principe qui ordonne la recherche de l’unité ; elle s’exprime et s’épanouit particulièrement à l’échelle locale. Le programme de refondation de l’État est articulé autour de trois grandes propositions : traduire le pluralisme dans une nouvelle ingénierie des institutions locales qui reflète la diversité des pouvoirs et de leur fondement ; traduire le pluralisme et refléter la diversité des territoires locaux et des pouvoirs dans la refondation du constitutionnalisme ; et enfin mettre le pluralisme au service de l’ordonnancement du droit et de la justice en créant des ponts entre l’ordre normatif étatique et les ordres normatifs extra-étatiques, notamment, et à titre illustratif, en admettant la médiation sociale comme système officiel de régulation des conflits.

  • La deuxième initiative de ce chantier concerne « Le Parcours sur la gouvernance en Afrique ». Menée en partenariat avec l’Institut de Recherche et Débats sur la Gouvernance (IRG), cette initiative consiste dans l’organisation d’une série de rencontres régionales sur la problématique de la légitimité du pouvoir en Afrique. Chaque étape du Parcours est marquée par une analyse des différentes sources de légitimité du pouvoir, une application de la diversité des sources de légitimité au domaine particulier du foncier et une analyse et des propositions sur l’ancrage du constitutionnalisme en Afrique. Des rencontres régionales ont ainsi été tenues et les résultats de ces rencontres sont progressivement publiées: Bamako en janvier 2007 « Entre traditions et modernité, quel projet de gouvernance pour l’Afrique?# et Lomé en Juin 2008 pour l’Afrique de l’Ouest; Polokwané en juin 2008 pour l’Afrique australe « Débats et propositions sur la gouvernance en Afrique, perspectives d’Afrique australe », Arusha en novembre 2009 pour l’Afrique de l’Est; Yaoundé en novembre 2010 pour l’Afrique centrale. Le Parcours en Afrique est enrichi par les apports comparatistes avec d’autres régions du monde (Colloque de Lima pour l’Amérique andine en Février 2009).

  • La troisième initiative de ce chantier concerne la problématique de la régulation des conflits. L’Alliance a entrepris depuis Mai 2007 un processus de capitalisation d’expériences de divers acteurs en Afrique de l’ouest afin de produire une masse d’informations permettant de mieux comprendre les dynamiques des conflits, les logiques et intérêts des acteurs en présence, les mécanismes locaux de gestion et de résolution, les stratégies de gestion de la paix. Le projet du Réseau des Femmes du Fleuve Mano (REFMAP) a constitué le projet-pilote de capitalisation. Il s’agit d’une initiative de paix commune d’organisations de femmes de la région du fleuve Mano (Libéria, Guinée et Sierre Léone) qui ont décidé de la mise en œuvre d’une nouvelle plate-forme d’action pour une stabilité sociale et politique durable dans la région. Le REFMAP a ainsi joué un rôle prépondérant dans la résolution et la gestion des conflits dans le bassin du Fleuve Mano (conflits armés au Liberia et en Sierra-Leone dans les années 1990, et leurs répercussions dans les autres pays de la région notamment la Guinée et dans une certaine mesure, la Côte d’Ivoire). Un document de capitalisation centré autour de l’expérience du REFMAP et enrichi par d’autres expériences de la sous-région, notamment celles du conflit au Nord du Mali et de la Guinée-Bissau, présente les résultats de cette initiative (décembre 2010).

III. Perspectives

Le Plan stratégique 2011-2016 prévoit la consolidation et l’approfondissement de ce chantier thématique. Il s’agit :

  • de mettre en œuvre une nouvelle initiative sur la question foncière: dans tous les États, les conflits de normes, d’autorités et de mécanismes de résolution des litiges, paraissent insolubles en ce domaine malgré, et peut-être en raison des tentatives d’unification ; or l’importance des enjeux liés au foncier, notamment du point de vue du développement économique, de l’accès aux ressources et à l’habitat et de la paix sociale, commandent que cette situation ne perdure pas indéfiniment ; le défi est alors de construire une transition vers un compromis définitif entre droit coutumier et droit moderne, entre justice étatique et médiation sociale ainsi que du point de vue de l’agencement institutionnel de la gestion de la terre;

  • de poursuivre et finaliser le Parcours sur la gouvernance en Afrique avec la tenue de la rencontre régionale en Afrique du Nord (Égypte en 2011) et d’une rencontre finale à Addis-Abeba où seront présentés les résultats du Parcours ainsi que les propositions sur les constitutions et l’ancrage du constitutionnalisme en Afrique;

  • d’approfondir la capitalisation des expériences sur la régulation des conflits et d’élaborer des propositions en direction des institutions nationales, régionales et continentales afin d’enrichir les mécanismes institutionnels par les pratiques des acteurs sociaux.

Voir le document Fiche de projet sur la création d’un groupe interafricain de recherche sur les modes de gouvernance en Afrique